Passer de la bancarisation à l’inclusion financière pour accroitre le taux d’accès des populations aux services et produits financiers à moindre coût, telle est la nouvelle démarche adoptée par les autorités monétaires de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Le souci constant de la BCEAO, relatif à l’élargissement de l’accès des populations aux services financiers connait une nouvelle avancée. En collaboration avec la Société Financière Internationale (SFI), l’autorité monétaire ouest africaine a organisé, le 1er juin dernier, une conférence portant sur le « partage des données sur le crédit dans l’UEMOA ». Et ce, pour à la fois évaluer avec ses experts et les professionnels de banques et d’établissements financiers, la mise en place des Bureaux d’Information sur le Crédit (BIC), les modalités de l’opérationnalisation du mécanisme, et échanger sur les voies et moyens pouvant permettre l’accélération de l’inclusion financière des PME et des ménages dans l’espace économique. La dite rencontre a, en outre, permis d’échanger sur les préoccupations relatives au financement des différents acteurs économiques. En effet, la mise en place des BIC est effective dans chacun des 8 pays de l’Union. Toutefois, quelques ratés ou retards sont notés dans l’opérationnalisation des BIC qui sont des instruments censés faciliter l’accès au crédit aux PME/PMI et ménages ; car les préteurs ont la possibilité de mieux évaluer le risque de défaut grâce à ce mécanisme, en disposant d’informations fiables sur l’historique de crédit des emprunteurs. Il s’agit notamment de la faiblesse du volume des données fournies pour alimenter les BIC, et de la faible consultation par les préteurs de la base du Bureau d’information sur le crédit.
Le système de partage d’information en question
Le Bureau d’information sur le crédit est une structure indépendante à « statut privé » dont les actions sont réglementées par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans le cadre du « système de partage des informations sur le crédit » dans les Etats membres de l’Union économique ouest africaine (UEMOA). Creditinfo Volo qui a été sélectionnée par la BCEAO pour gérer les BIC de l’espace UEMOA, est un spécialiste mondial de l’information sur le crédit, un fournisseur de services informatiques détenu majoritairement par des investisseurs africains. Fondée par l’islandais Creditinfo Group, cette société qui compte parmi ses clients les Banques centrales de la Tanzanie et du Soudan ainsi que la Chambre de Commerce du Cap-Vert, et Volo Africa. Selon la Loi Uniforme portant règlementation des BIC dans l’UEMOA en date du 3 juin 2013, c’est une co-entreprise implantée au Sénégal et en Gambie. Elle a pour mission de créer des BIC et d’assurer le traitement et le partage dans l’espace UEMOA des informations et données positives sur le crédit (informations sur les encours de crédits par bénéficiaire, répartition sectorielle des crédits, etc) ainsi que des informations négatives (montant des défauts de paiements, crédits radiés, nombre des défauts de paiements, rééchelonnement des crédits, etc). Ces informations sont obtenues auprès des banques, institutions de microfinance, et établissements financiers et d’entités non bancaires comme les grands facturiers (les Sociétés de fourniture d’eau, d’électricité, de téléphonie etc). Toutefois, elle laisse le soin aux BIC de chaque Etat la collecte auprès des organismes financiers, des sources publiques et des grands facturiers (sociétés d’électricité, d’eau et de téléphonie mobile), des données disponibles sur les antécédents de crédit ou de paiement d’un emprunteur. II traite les informations collectées à l’aide de techniques (statistiques, informatiques) appropriées, commercialise les produits dérivés de ces informations traitées notamment issues des rapports de solvabilité et des scoring (action d’évaluer le risque de défaillance d’un bénéficiaire de crédit sur la base d’éléments dont l’âge, la profession, les revenus, le niveau d’endettement), auprès de banques et d’établissements de crédit. Le système mis en place par Crediinfo VoLo, fonctionne sur un réseau en étoile avec un hub – situé à Dakar, siège de la BCEAO – et des antennes dans chacun des pays de la zone Uemoa, de sorte qu’il soit possible depuis la même plateforme d’accéder aux informations de « toutes les industries du crédit de tous les États membres ».
L’accès au crédit étant un moyen efficace pour atteindre une amélioration rapide de la dynamique d’inclusion financière. C’est pourquoi le partage de données sur le crédit dans les États de l’UEMOA est devenu un enjeu capital. C’est un aspect de la stratégie régionale d’inclusion financière de l’UEMOA pour la période 2015-2020 dont la mise en œuvre doit assurer, sur un horizon de cinq ans, l’accès et l’utilisation d’une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à des coûts abordables, à 75 % de la population adulte de l’UEMOA. La stratégie globale d’inclusion financière s’articule autour de « l’opérationnalisation du dispositif de soutien au financement des ménages et agents économiques, de la diversification des produits et mécanismes de financement des économies et la réduction du coût des crédits ».
Recommandations de la conférence
Devant le constat de la faiblesse du volume des données fournies pour alimenter les BIC, et la faible consultation par les préteurs de la base du Bureau d’information pour fonder leurs décisions d’octroi de crédit, des recommandations ont été formulées à l’endroit des établissements bancaires et financiers, des organisateurs de la conférence, des grands facturiers et de la société Créditinfo-Volo dans le sens d’accélérer le rythme de partage des informations sur le crédit.
Les 129 banques sur 181 (soit 71,3 %) jugées aptes à participer au partage des informations ont également été invitées à mettre leurs données à jour.
La Société Créditinfo-Volo est encouragée à poursuivre et à achever l’assistance des 51 établissements restants pour leur permettre d’intégrer le système. Pour ce faire, elle a été appelée à mettre en place un dispositif technique avec la Bceao, pour le renforcement des capacités des acteurs et d’en faire un retour régulier à la Banque centrale. Tout en invitant les acteurs à lever tous les obstacles, il a été fortement recommandé aux établissements assujettis qui ne l’ont pas encore, la mise à niveau de leurs systèmes d’informations et la finalisation des tests de déclaration. Il leur a été aussi demandé de procéder à l’intensification des processus de recueil des consentements auprès de la clientèle pour le partage des informations avec les Bureaux d’information sur le crédit et de consulter systématiquement les rapports de solvabilité en conformité avec leurs obligations légales. La conférence a noté la persistance de contraintes d’ordre socioculturel entravant le développement des activités des Bureaux d’information sur le crédit. C’est pourquoi, elle a recommandé à la Bceao, en collaboration avec la Sfi, de poursuivre ses actions de sensibilisation et d’éducation financière en direction du public pour faciliter le recueil de consentement des clients, à participer au système de partage d’informations sur le crédit.
Enfin, les organisateurs de la conférence, les experts et participants, ont souhaité une participation plus accrue des grands facturiers dans la collecte des données. Ils ont aussi relevé la nécessité de la mise en place de cadres propices au partage des informations par les structures de régulation. En outre, un appel a été lancé à l’endroit de la Bceao et de la Sfi, à l’effet de poursuivre la sensibilisation des acteurs et pour la création d’un fonds de fonctionnement des Bic.
Rappelons qu’un dispositif de soutien au financement, a été adopté par le Conseil des Ministres de l’UMOA, lors de sa session du 29 septembre 2015, ce qui a fait progresser de manière constante la situation de l’inclusion financière. Le taux de bancarisation, au sens strict, de la population âgée de 15 ans, et plus, est passé de 7,8% en 2007 à 15,7% en 2016. Aussi, le taux de bancarisation, au sens large, incluant les systèmes financiers décentralisés, atteint 34,5% contre 16,6 en 2007. En effet, l’inclusion financière est au cœur des actions de la BCEAO qui est convaincue que l’inclusion financière est un puissant moteur capable de soutenir une croissance importante et ainsi lutter contre la pauvreté..
Le déploiement des BIC constitue la dernière étape de l’implémentation de la stratégie régionale d’inclusion financière. Elle fait suite à une série de mesures, de rencontres de validation, organisées au niveau de chaque pays, et sous régional. Cependant, à travers la mise en place de cette stratégie régionale, l’ambition affichée par la BCEAO est de passer de 50.5 %, taux actuel d’utilisation des services financiers à 75 % à l’horizon 2020. Les populations rurales, les jeunes, et les femmes doivent être informés qu’il y a une nouvelle stratégie qui se développe et qui est appliquée de façon uniforme dans l’Union.
Par Bacary SEYDI
PmeAfricaines.com