SUNU et NSIA souhaitent le développement de la bancassurance sur le continent à travers des acquisitions ciblées pour valoriser leurs holdings respectifs et offrir une gamme variée de produits et services financiers : dépôts, assurance, ingénierie financière, services de banque d’affaires et de gestion de patrimoine etc.
Depuis quelques années, la bancassurance est une réalité en Afrique subsaharienne et tend à prendre une large place dans le paysage financier africain. Les deux leaders panafricains des assurances (SUNU et NSIA) ont révélé leurs ambitions de faire passer la bancassurance à la vitesse grand V, sur le continent. Les deux compagnies d’assurances ont été transformées en holdings et sont à l’affût pour toute opportunité bancaire qui se présentera. Si le premier n’a pas besoin de s’adosser à un partenaire pour financer sa croissance externe mais en accord d’assistance avec le groupe ‘’Axa assurance’’ et quatre réassureurs (AXA Ré, CICA Ré, Africa Ré Scor Ré), le second est adossé par alliance capitalistique au réassureur ‘’Swiss Ré’’ d’un coté, et de l’autre, à la Banque nationale du Canada (BNC) et ‘’Athémis Finance’’. Cette réorientation stratégique est en cours depuis plusieurs années. SUNU est entrain de se réorganiser pour verrouiller son capital car un de ses concurrents marocains est entré dans son capital par effraction à hauteur de 20%. Tandis que NSIA s’apprête à entrer à la bourse régionale de valeur mobilière (BRVM), à acquérir le réseau francophone de ’’ Diamond bank’’ et souhaite acquérir une autre cible bancaire contrôlée par la le fond ‘’ECP Emerging’’. Leurs patrons respectifs Pathé Dione et Jean Kacou Diagou, pionniers et entrepreneurs africains du développement de l’assurance sur le continent, sont convaincus que pour aller vite, mieux vaut acquérir un réseau bancaire déjà créé que de solliciter des licences bancaires auprès des régulateurs du continent.
Banques et assurances sont désormais concurrentes et complémentaires
Avant, Banques et assurances étaient complémentaires. Mais aujourd’hui, ces deux secteurs sont aussi concurrents. Paradoxalement peut-on dire ! Le secteur bancaire et celui des assurances sont complémentaires, mais les banques et les compagnies sont concurrentes au point qu’on arrive difficilement à faire la différence entre les offres d’assureurs et les offres bancaires. Les banques traditionnelles ont leur part de marché et leur chasse gardée au sein des économies africaines ; puis, elles distribuent des offres d’assurance pour obtenir des entrées additionnelles (commissions), et réduire par la même occasion le risque -crédit grâce aux contrats d’assurance associés.
Pour réaliser leur croissance externe, NSIA et SUNU vont concurrencer les banques et développer leurs activités bancaires dans les pays africains où leurs filiales sont implantées avant d’envisager une seconde expansion et ce, comme pour combler la défaillance et la frilosité des banques qui n arrivent pas à assurer les financements des PME, PMI et entreprises informelles toutes catégories confondues. Autrement dit, elles veulent prendre en charge le financement et les polices d’assurances des PME et Pmi africaines, des entreprises informelles et leurs employés non bancarisés et ou non assurés. Les banques restent encore frileuses quand le vis-à-vis est une PME ou une entreprise du secteur informel. C’est pourquoi, seules 22% des entreprises en Afrique bénéficient d’un prêt bancaire or, l’Afrique enregistre plus de 60 millions de Petites et moyennes entreprises (PME), qui emploient les 2/3 des populations africaines et participent d’une manière ou d’une autre à la croissance du continent. En effet, 70% des PME en Afrique manquent d’un financement pour leur développement. Et ce sont les secteurs des économies africaines où on gagne le moins, où les avantages sociaux offerts sont les plus bas et la protection sociale presque inexistante. Les institutions financières locales performantes qui ciblent les PME peinent à mobiliser des ressources sur le plus long terme auprès des marchés des capitaux ou autres au moment où les compagnies d’assurance disposent d’un matelas financier considérable, des ressources plus longues et plus stables.
Contexte favorable
Après 20 ans d’existence chacune, SUNU et NSIA possèdent des ressources financières importantes qui constituent une force de frappe considérable. Or le code « CIMA » (Conférence Interafricaine des Marchés d’assurance), qui régit les assurances en Afrique interdit formellement d’investir les cotisations ou les primes collectées sur les marchés financiers extérieurs (Bourse de Paris, de New York, de Tokyo etc.) et limite les interventions exclusivement à des marchés domestiques très récents, donc peu matures, et dont la liquidité et la profondeur laissent souvent à désirer (moins de quarante sociétés sont dénombrées à la cote de la Bourse régionale des valeurs mobilières, la BRVM, localisée à Abidjan). Certes, on peut comprendre cette mesure conservatoire mais elle peut être un obstacle qui rendrait complexe la gestion des actifs collectés.
Toutefois, les deux assureurs n’ont qu’une seule alternative : s’offrir un réseau bancaire car, il est très difficile de développer l’assurance-vie dans les pays africains, où les gens n’ont pas la culture de l’épargne à long terme. En effet, du fait de la libéralisation, la législation (loi bancaire et code des assurances) a tendance à s’assouplir un peu partout, voire à faire disparaître, la cloison séparant la banque et l’assurance. Dés lors, une banque peut prendre l’initiative de commercialiser des produits d’assurance- vie pour le compte d’une Compagnie d’assurance ou sur compte propre et vice versa. Aussi, l’alliance entre banque et assurance crée une pleine synergie entre les deux activités ; les banques investissent l’assurance-vie, divers produits de prévoyance et quelques créneaux de l’assurance dommages (automobiles et habitations). Les compagnies d’assurance quant à elles, nouent des alliances ouvertes avec les banques pour distribuer leurs offres.
Mais, aucune partie n’est réellement satisfaite jusqu’ici. La densité accrue des agences bancaires fait par exemple de celles-ci un canal idéal pour le placement de nombreux produits d’assurance – vie ou non vie -, encore faudrait-il que les banques disposent d’un personnel disponible et bien formé à la commercialisation de produits d’assurance ; alors que la faiblesse, la paperasserie et le coût élevé des circuits de distribution actuels des assurances pénalisent les assureurs.
Les deux secteurs fonctionnent comme un vase communiquant. Les compagnies d’assurances vont franchir le pas pour générer d’autres sources de revenus grâce à de nouvelles activités, en plus de l’assurance qui est leur cœur de métier. Les réformes réglementaires en cours dans les économies africaines et les nombreux changements intervenus dans les deux secteurs (banque et assurances) placent les groupes SUNU et NSIA au cœur de l’investissement en Afrique. Alors, se pose la question de savoir si le secteur informel et les Pme africaines vont en tirer profit ? Le secteur de l’informel et des PME représentent deux tiers des emplois en Afrique.
Les demandes de cette catégorie d’entreprises en produits de cautionnement divers, d’assurance crédit, d’assurance crédit à l’exportation, et de protection sociale sont loin d’être satisfaites et représentent un énorme marché sur le continent. La micro assurance a une marge de progression également considérable et semble parfaitement adaptée au secteur informel. La bancassurance peut-elle être une opportunité pour les PME-PMI et le secteur informel ?
Ce qui est sûr et certain, ils auront, pour concurrencer les banques, à fourbir de bonnes armes en diversifiant leurs offres, investissant dans le marketing et la communication et dans l’animation de leurs réseaux. Et, passer à une distribution multicanale de leurs produits d’épargne, de prévoyance et d’assurance-dommages et autres en ayant recours à l’utilisation des moyens électroniques de paiement tels que les téléphones portables, les Smartphones, la monétique, et le paiement en ligne, qui permettent la collecte rapide des primes et apportent plus de célérité dans le règlement des sinistres. Sur ce terrain, les banques semblent avoir pris une longueur d’avance sur les assurances. Cette vitesse dans la délivrance des services est devenue – aussi bien pour les produits d’assurance que pour les produits bancaires-, une exigence de la clientèle qui voit son expérience de consommation de services financiers s’enrichir de jour en jour avec les nouvelles technologies de paiement. Pour les banques comme pour les assurances, le « graal», c’est la capacité à pouvoir se servir de façon optimale, des Big Data, et des nouvelles méthodes de scoring de la clientèle dans l’évaluation des risques, une activité quotidienne et favorite des deux catégories d’acteurs ; quoiqu’elle constitue le cœur de métier même de l’assurance qui en plus, bénéficie dans l’exercice de ce métier d’un allié de taille ; la réassurance. Dans tous les cas, les deux champions africains seront obligés de réaliser des synergies financières et générer beaucoup de cash et probablement des économies d’envergure, pour réussir leur nouvelle vocation. Toutefois, ils devront ouvrir l’œil sur les intentions présumées ou réelles des TELCO comme le Groupe Orange, qui pourraient venir leur ravir la vedette dans leurs propres terrains de prédilection, si jamais leurs plans de création de banques digitales se concrétisent et se déploient en Afrique. Dans un avenir proche, les acquisitions bancaires de SUNU et NSIA viendront certainement confirmer la détermination des deux holdings, en tant qu’acteurs régionaux de premier plan, à contribuer plus activement au développement socio-économique du continent.
Par Bacary Seydi
PmeAfricaines.Com