L’Afrique fera t-elle sa révolution tranquille grâce à l’agriculture ? Si oui quelle est le modèle qui conduit à la révolution verte ? Ces interrogations sont les priorités stratégiques et légitimes pour inverser positivement la balance des paiements des pays africains et les faire passer du statut d’importateur à celui d’exportateur.
De nombreux rapports ont définis le pourquoi et le comment pour arriver au développement agricole durable du continent africain. Mais, à la date d’aujourd’hui, on ne récence que deux approches sur la révolution verte du continent via l’agriculture nommées «High Five ou TOP5» de la Banque Africaine de développement (BAD), et « Piata » du Forum sur la Révolution verte en Afrique (AGRF). Aujourd’hui les discours officiels retiennent «High Five ou TOP5», qui est une initiative de la Bad qui milite pour un développement agro-industriel massif sur tout le continent. Par contre, le partenariat pour la transformation agricole inclusive (Piata) qui est une initiative du Forum sur la Révolution verte en Afrique, met quant à lui l’accent sur les PME et les petits agriculteurs, qui créent des emplois à forte productivité et une croissance économique. Pour preuve, il ya eu deux grandes rencontres internationales sur le sujet en l’espace de quatre mois (Mai et septembre 2017). La BAD avait tenu sa 52ieme assemblée annuelle au mois de mai 2017 à Ahmedabad, ville située dans l’Etat du Gujarat en Inde, pour amener les gouvernements africains à benchmarker le modèle de la révolution verte en l’Inde. Alors que le Forum sur la Révolution verte en Afrique (AGRF) a choisi de tenir sa 7eme édition, en septembre 2017 à Abidjan en Cote d’ivoire, pour prendre le contre pied de la banque panafricaine et pour obtenir plus d’engagements auprès des gouvernements et autres parties prenantes afin de donner la priorité à l’agriculture et d’augmenter les investissements dans le secteur agricole en Afrique. Autrement dit la BAD a essayé de démontrer aux experts et dirigeants africains que le modèle agricole de ce pays est le seul capable de développer l’agriculture sur le continent, et de « transformer l’agriculture pour créer de la richesse en Afrique ». Tandis que, l’AGRF va au-delà de la ferme pour intégrer l’agro-business. Cette approche prône une révolution agricole africaine qui se doit d’être très différente de celles observées ailleurs dans le monde.
La plateforme « Piata »
Doté d’un montant de 280 millions de dollars US, le Piata est une initiative de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et des Fondation Rockefelleret Fondation Bill et Melinda Gates qui espèrent contribuer à l’atteinte de l’objectif de prospérité de l’Afrique à travers l’agriculture. 11 pays africains ont mis en place un partenariat pour la transformation agricole inclusive (Piata) pour accroître les revenus et améliorer la sécurité alimentaire de 30 millions de petits exploitants d’ici à 2021. Le Piata est une plateforme intéressante qui va aider les pays à prendre la bonne direction dans la transformation agricole. Il offre un mécanisme innovant pour lever les obstacles à l’investissement et atteindre les objectifs fixés dans la stratégie mondiale de sécurité alimentaire approuvée par le Congrès américain. Pour rappel, les pays bénéficiaires sont le Ghana, le Nigeria, le Mali, le Burkina Faso, le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya, l’Éthiopie, la Tanzanie, le Malawi et le Mozambique.
La plateforme « TOP5 »
Dans le cadre de sa stratégie « nourrir l’Afrique », la Banque africaine de développement a décidé de mettre à disposition de l’agriculture et le secteur agroalimentaire des pays d’Afrique, 400 % de plus que le niveau de financement actuel, qui s’élève à 600 millions de dollars US par an. Soit 24 milliards de dollars US dans les dix prochaines années dont, 700 millions de dollars destinés à financer le programme phare «Technologies pour la transformation de l’agriculture en Afrique», qui vise à développer les technologies agricoles pour atteindre des millions d’agriculteurs africains durant la même période. Cependant, elle propose aux états africains un changement de paradigme et de Benchmarker au plus vite de l’expérience Indienne ou des pays de l’Asie du Sud-est dont la croissance économique rapide s’est appuyée sur une industrie agroalimentaire et agro-industrielle forte. Autrement dit, que le développement de l’agriculture se traduise en un développement économique fort et durable capable de créer de la richesse dans tous les pans de l’économie. Depuis l’exploitation agricole jusqu’à la vente de détail, en passant par le stockage, le transport et la transformation. Aussi, d’éliminer les pertes tout le long de la filière alimentaire si elle est intégrée dans une Chaine de valeur, ou à des capacités industrielles, de fabrication, de transformation et de commercialisation.
Beaucoup reste à faire
Bien que des progrès aient été réalisés, il reste beaucoup à faire pour qu’une révolution verte se réalise sur le continent. Les institutions internationales publiques et privées réaffirment sans cesse leur engagement et leur volonté de poursuivre leur appui au développement de l’Agriculture en Afrique cependant, des interrogations fondamentales demeurent : Onze pays(11) cités pus haut – sur les cinquante quatre (54) que compte le continent-, ont-ils déjà opté pour PIATA ? Le reste des autres pays a-t-il opté pour top 5 ? Pour l’heure, un grand flou entoure le choix de chaque pays. Ce qui est constant ; c’est que le grand nombre de gouvernements attend de voir lequel des deux, entre l’agrobusiness et les petites et moyennes exploitations, sera capable de mener à une révolution agricole véritable et le plus vite. Aussi, le problème est qu’il n’y a pas à l’échelle continentale une volonté commune et manifeste pour adopter un modèle unitaire et il sera difficile de fédérer tout le monde sur un quelconque modèle. Pour réussir une révolution agricole africaine, chaque État devra faire preuve d’une volonté politique tout d’abord et choisir l’approche qui lui convient.
Le constat est unanime que l’Afrique doit arriver à sa révolution verte si elle veut entrer dans la compétition à l’échelle mondiale et, au lieu de continuer à importer, se transformer en exportateur de produits alimentaires, nourrissant ses populations avec des aliments produits en Afrique. Quelque soit l’un ou l’autre des modèles, les opérations du PIATA et de TOP 5 devront être alignées sur les plans agricoles nationaux de chaque pays. Aussi, les États d’Afrique devraient être pleinement conscients que le développement agricole est le seul gage de prospérité pour le continent. Ils doivent par conséquent en faire une sur priorité et la seule stratégie qui vaille.
Par Mathieu Ndiaye
PmeAfricaines.Com