Alassane Ouattara

Une politique fiscale diversement appréciée !

L’administration fiscale  et les patrons  d’entreprises  ivoiriens sont  invités à s’accorder pour trouver une solution d’élargir l’assiette  et la part  de l’impôt qui devra financer le développement du pays.

 

Alassane Ouattara

Le dialogue qui a toujours existé entre l’Etat ivoirien  et son  secteur privé, semble rompu. Pour cause, l’annexe fiscale 2018 qui n’a pas fait l’objet d’une très large concertation en aval. Mais mieux vaut tard que jamais. C’est pourquoi, le chef de l’Etat ivoirien a donné  des instructions au gouvernement notamment à l’administration fiscale, pour engager des discussions avec le secteur privé du pays en vue d’aplanir les difficultés créées par l’entrée en vigueur le 2 janvier dernier de l’annexe fiscale 2018, objet de plusieurs critiques. Le secteur privé et l’administration fiscale  se regardent en chien de faïence depuis la publication de l’annexe fiscale relative  à la loi de finances 2018.

Le dispositif fiscal en cours est diversement apprécié et  a suscité une levée de boucliers des opérateurs économiques ivoiriens. La Chambre de Commerce et d’Industrie dénonce  le caractère unilatéral  de l’annexe qui va dans un seul sens. Tandis que la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) demande la suspension pure et simple de l’annexe fiscale. Les entreprises se disent victimes d’un matraquage fiscal car c’est toujours elles qui paient leurs impôts. Pourtant, plusieurs entreprises parmi lesquelles de très grandes ne paient pas les impôts. Les PME pour leur part,  interprètent la suppression du régime simplifié d’imposition (RSI) comme  une manière de les  pousser  vers l’informel parce que toutes les taxes instaurées dans cette annexe fiscale ne feront que fuir les entreprises. Au mieux, certaines s’installeront dans l’informel afin d’échapper à la pression fiscale. L’état ivoirien a élaboré un  Plan d’actions stratégiques couvrant la période 2018-2020, assorti d’un plan d’actions opérationnelles et d’une annexe fiscale pour l’année 2018. Et ce,  tout en  souhaitant  se  conformer aux normes communautaires fixées dans l’Union monétaire Ouest-Africain (UEMOA). Et trouver une partie du financement de son budget de 2018 qui s’élève à 6 756 257 616 332 F Cfa. Soit une hausse de 4,8% par rapport au budget révisé de 2017 évalué à 6 447 638 712 432 F Cfa (Ndlr). Pour donc combler ce déficit budgétaire, l’Etat ivoirien  est obligé d’aller chercher les moyens  par la fiscalité et sur le marché financier. Par contre, les entreprises  ivoiriennes  exigent de l’État une démarche et une philosophie participative, voire inclusive. Elles demandent à être rassurées par la politique fiscale qui doit être une fiscalité de développement financée par les entreprises grâce à un élargissement de l’assiette fiscale avec des entreprises de plus en plus  nombreuses à payer leurs impôts. C’est dire que tant qu’on empêche les entreprises d’être compétitives, le développement économique ne sera pas inclusif. Rappelons que La Côte d ivoire, avec un taux de croissance moyen annuel de plus de 9%  enregistré entre 2012 et 2016, est classée aujourd’hui au rang des pays pré-émergents. Alors dans ce  contexte  et pour accéder au rang de pays émergeant, la Côte d’Ivoire a besoin de 1310 milliards FCFA pour l’année budgétaire 2018 pour le financement et  la transformation structurelle de l’économie, la modernisation de l’administration, la conduite des réformes, l’amélioration de la gouvernance. Mais le montant parait difficilement mobilisable   par endettement  ou  bons obligations sur le marché financier.

 

 Les  nombreux griefs

L’annexe fiscale 2018 étend la liste des produits soumis à un droit d’accise en Côte d’Ivoire aux produits tels que les marbres, les véhicules de tourisme dont la puissance est supérieure ou égale à 13 chevaux, les produits de beauté et cosmétiques dont les maquillages, les parfums, les produits d’extension ou de rajout de cheveux, les mèches dont le taux des droits d’accise est fixé à 10% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée. Aussi, elle institue une taxe sur les transferts ; applicable à tous les transferts d’argent réalisés par les opérateurs de téléphonie mobile et par les fournisseurs locaux de réseaux de transfert de fonds ou leurs intermédiaires, au taux de 0,5%.

L’annexe fiscale 2018 prévoit un aménagement de l’Impôt Minimum Forfaitaire (IMF). Alors que l’Annexe fiscale de 2013 a relevé le minimum de perception de 2 millions à 3 millions de F CFA et le maximum de perception de 30 million à 35 millions, celle de 2018 fixe désormais un taux unique de 1% pour tous les contribuables. En outre le minimum de perception est désormais fixé à 5 millions de F CFA et le maximum à 50 millions de F CFA pour toutes les entreprises à l’exception des stations-services et des distributeurs de gaz butane. Cette mesure, note-t-on,  va à l’encontre de la recommandation de la Commission de la réforme fiscale. Plusieurs dispositions contenues dans l’annexe fiscale 2018,  de l’avis de la plupart des opérateurs économiques, sont défavorables au secteur privé. L’annexe fiscale 2018 comporte 42 dispositions dont 36 articles à impact significatif sur l’économie.

Enfin, Obligation est faite aux entreprises et sociétés  ivoiriennes  exploitant des établissements secondaires de déclarer leurs états financiers et chaque nouvelle ouverture d’établissement selon l’aménagement de leurs obligations. Ainsi elles doivent avant toute ouverture d’un établissement secondaire, procéder à la déclaration de la création de celui-ci auprès du service fiscal  du lieu de situation du siège social ou de l’établissement principal, mentionne le texte. Par ailleurs, l‘annexe  a créé deux systèmes comptables : le système allégé et le système normal ; et deux régimes fiscaux ; le régime d’impôt synthétique et le régime normal d’imposition. Pour les besoins de suivi et de  contrôle, beaucoup d’entreprises développent  leurs activités, ou créent des établissements secondaires dans diverses localités du pays permettant ainsi à l’administration fiscale de connaître, à travers les agrégats comptables et économiques, le niveau d’activité et de rentabilité de chaque établissement secondaire. La non-production de cet état est passible d’une amende de 1.000.000 F Cfa.

L’intransigeance de l’administration fiscale  vis-à-vis des PME PMI ?

Les PME et PMI ivoiriennes en proie à d’énormes difficultés dans leurs activités risquent de partir plus que n’importe quelle autre entreprise de l’annexe fiscale. En effet, l’absence de mécanismes coordonnés de soutien – vu le nombre pléthorique d’organismes de promotion des PME-, combinée aux difficultés persistantes d’accès aux financements,  rendent le système de promotion des PME/PMI ivoiriennes peu efficace. En plus du faible niveau de financement de leurs activités par les banques, deux grandes catégories de freins à la performance des PME peuvent être retenues : la rigidité fiscale et la  lourdeur des structures fiscales d’un coté (le taux de pression fiscale en Côte d’Ivoire est de 37,1%), et de l’autre, la faiblesse de l’appui institutionnel qui les obligent à fonctionner sous pression.

C’est la raison pour laquelle les PME ivoiriennes souhaitent une proposition  de loi à l’Assemblée nationale pour créer un cadre propice à l’essor des PME-PMI. La noble ambition du chef de l’Etat de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent ne saurait se réaliser tant que les PME fonctionneront dans l’inorganisation, faute d’interlocuteurs légitimes auprès des décideurs. Aucun pays développé ne s’est construit en écartant les PME. Au contraire, leur succès repose sur les petites et moyennes entreprises qui, lorsqu’elles sont compétitives, impulsent inévitablement la croissance, créent de la richesse et de  l’emploi et participent à  l’émergence d’une classe moyenne.

En attendant les résultats qui découleront de la concertation annoncée par le chef de l’Etat Alassane Ouattara, il est urgent d’apaiser le climat qui prévaut entre le secteur privé et l’administration fiscale depuis la publication de l’annexe fiscale à la loi de finances 2018. Malgré les protestations, de plus en plus grandissantes, des acteurs du secteur privé et le patronat ivoirien proposent un réaménagement profond à travers la structuration des régimes fiscaux et douaniers, et en harmonie avec le dynamisme des différents secteurs d’activité. Ils souhaitent en outre que l’administration fiscale  mette l’accent sur la lutte contre la fraude et la corruption qui constituent les véritables freins à l’accroissement des recettes fiscales.  Il appartient donc  à l’Etat  de  travailler résolument à étendre et accroître l’assiette fiscale, à lutter contre la fraude, à rationaliser l’impôt et moderniser l’outil fiscal, pour éviter que la pression fiscale ne continue de plomber la compétitivité et la rentabilité des entreprises. C’est ainsi qu’il pourra tourner assez rapidement la page.

Par Bacary SEYDI

PmeAfricaines.com




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