Par Bacary SEYDI, PmeAfricaines.Com
Les investisseurs engagés dans l’économie sociale et solidaire (ESS) se sont donné rendez-vous à Dakar à l’Hotel Ngor Diarama, du 20 au 22 juin prochain, pour pencher sur le rôle de la finance inclusive dans la marche vers l’émergence des pays du continent africain et du monde.
Dakar la Capitale du Sénégal a été choisie pour abriter l’édition 2018 de la Conférence annuelle de l’Association Internationale des Investisseurs dans l’Economie Sociale, plus connue sous le nom de réseau INAISE (International Association of Investors in the Social Economy) qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine d’organisations réparties sur tous les continents. Organisée par la Fondation Sen’Finances, la seule institution sénégalaise membre du réseau INAISE, ladite Conférence se tient pour la première fois en Afrique de l’Ouest ; une région où, malgré les taux de croissance relativement élevés enregistrés ces cinq dernières années (de l’ordre de 5% en moyenne), la pauvreté reste un phénomène de masse. La croissance qui doit mener vers l’émergence est loin d’être inclusive parce qu’elle ne se traduit pas encore par un développement social inclusif. Un grand nombre de personnes à faibles revenus, généralement des femmes, des jeunes, des micros entrepreneurs, des exploitants agricoles, des éleveurs, des pécheurs, des artisans, des commerçants etc, n’a pas accès aux services financiers de base et à des revenus décents. Autant dire que cette Conférence annuelle du réseau INAISE arrive à point nommée en terre ouest africaine.
L’édition de 2018 réunira autour du thème « finance sociale et solidaire et émergence des continents » environ 200 participants venus des cinq continents : les décideurs publics (ministères et institutions publiques concernées), les praticiens de l’Economie Sociale et Solidaire (dirigeants, gestionnaires et employés des structures de L’Economie Sociale et Solidaire notamment les Fondations, les Associations, les ONG, les Institutions de Microfinance, les Sociétés Commerciales de l’ESS), ainsi que les promoteurs et investisseurs de l’Economie Sociale et Solidaire, les partenaires techniques et financiers, les bailleurs de fonds, sans oublier les chercheurs, les enseignants et les étudiants.
Elle promet de créer un espace d’échange d’expérience et d’analyse sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) et d’être un cadre privilégié de mise en relation partenariale entre les parties prenantes. De façon spécifique la conférence doit permettre aux participants d’avoir une meilleure compréhension du concept d’Economie Sociale et Solidaire, de prendre connaissance de diverses expériences, stratégies et outils de l’Economie Sociale et Solidaire notamment en Afrique, de se mettre à jour sur les mécanismes innovants de financement de l’économie sociale, de tisser des liens avec d’autres intervenants en vue d’échanges et de partenariats et enfin, de réfléchir ensemble aux perspectives d’avenir de l’Economie Sociale et Solidaire. Pour le réseau l’INAISE qui tient à la même occasion son Assemblée Générale, il s’agira de consolider son positionnement d’organisation internationale de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) et de renforcer sa présence en Afrique en augmentant le nombre de ses membres venant de ce continent.
Une des questions essentielles que la conférence aura à adresser ; c’est quel rôle la finance sociale et solidaire devra jouer dans les stratégies d’émergence économique et sociale en cours de mise en œuvre dans plusieurs pays du continent africain et du monde ? Pour ce faire, la conférence se penchera en particulier sur quatre problématiques majeures : les mécanismes de Financement de l’Économie Sociale et Solidaire, les leçons à apprendre des expériences intercontinentales, les outils financiers de soutien à l’agriculture, et les formes de financement innovantes (finance digitale, finance verte, finance islamique, crowdfunding etc).
L’économie sociale et solidaire dans le contexte africain :
Le concept d’Économie Sociale et Solidaire a surtout été développé en Europe et en Amérique du nord. Néanmoins, l’ESS est présente sur tous les continents.
Bien qu’il existe des spécificités régionales, l’ESS à travers le monde représente des organisations qui répondent à un but social plutôt que lucratif. En tant que réseau mondial dédié à la finance sociale et solidaire, INAISE rassemble des acteurs pionniers et historiques du secteur qui soutiennent le développement durable, l’économie sociale et solidaire, ainsi que le développement rural.
De façon plus générale, le social business – l’autre appellation de l’ESS- selon un investisseur dans ce domaine, « c’est mettre le modèle d’entreprise, avec tout ce qu’il comporte de dynamisme, d’innovation et de rigueur, au service de la solution d’un problème social, c’est-à-dire dans le contexte africain, essentiellement des problèmes liés à la pauvreté. Le but de l’entreprise est social et les actionnaires recherchent l’impact social maximum et non pas leur profit personnel. Il ne suffit pas que l’entreprise soit socialement orientée, il faut que la mission sociale soit le but même de l’entreprise. C’est par exemple, de créer une chaîne de valeur inclusive qui permette à des petits producteurs de mieux valoriser leurs produits et d’en tirer un revenu décent ».
Cette année, la conférence internationale annuelle d’INAISE a lieu à Dakar au Sénégal, où le gouvernement a démontré un intérêt manifeste pour le développement de l’ESS, à travers notamment la création par le Président de la République d’un Ministère en charge de l’Économie Solidaire et de la Microfinance en 2017. Cette décision politique est une traduction de la volonté des autorités sénégalaises telle que déclinée dans le Plan Sénégal Emergent (PSE), de faire de l’économie solidaire et de la Microfinance des leviers essentiels du développement social. L’option de regrouper dans un même Département ministériel économie solidaire et Microfinance, traduit aussi la volonté des autorités de faire de la Microfinance un instrument privilégié au service de l’économie solidaire du fait de la forte assise coopérative de la Microfinance au Sénégal. Plus généralement, après une phase de forte croissance (1997-2008) suivie par une phase de consolidation, il est attendu aujourd’hui de la Microfinance une augmentation significative de sa participation au financement de l’économie qui reste encore faible (10,4% au 2eme trimestre 2017). La vision proposée dans la deuxième Lettre de Politique Sectorielle (2016 – 2020) c’est : « un secteur de la Microfinance inclusif et performant au service d’une économie émergente, dans une société solidaire ». L’objectif affiché est de « renforcer l’accès durable de la majorité de la population à des services financiers adaptés sur l’ensemble du territoire national d’ici à 2025 ».
C’est ainsi qu’un certain nombre de projets sont inscrits en priorité dans l’agenda 2018 du Département ministériel. Il s’agit notamment : de la promotion de la finance responsable, de la relance du projet de Mobile Banking, de la promotion de la finance islamique par la mise en œuvre du projet de Microfinance islamique (PROMISE), et de la poursuite du Programme d’éducation financière. Parallèlement, une Lettre de Politique Sectorielle de l’Economie solidaire est en cours d’élaboration. C’est tout le sens de l’intérêt du Sénégal pour abriter cette Conférence qui, à n’en pas douter, sera d’un apport fécond aux travaux de formulation de cette dite Lettre.
Pour rappel, la Fondation Sen’Finances est une Institution financière reconnue d’utilité publique qui accompagne et soutient les initiatives entrepreneuriales des populations à faibles revenus notamment les femmes et les petits exploitants agricoles du monde rural à travers des appuis multiformes aux Systèmes financiers décentralisées (Sfd). D’ailleurs, en marge de la Conférence, une demi-journée sera consacrée à des visites de terrain pour permettre aux participants qui le désirent de visiter des projets financés par la Fondation Sen’Finances.
L’Association Internationale des Investisseurs dans l’Economie Sociale (le réseau INAISE) est quant à elle, créée à Barcelone en 1989, à l’initiative de sept organisations financières de l’Economie Sociale. Les membres d’INAISE font preuve d’une grande diversité dans leur structure légale et organisationnelle, leur taille, leur politique d’investissement et les outils financiers qu’ils développent. Font partie du réseau : des banques, des coopératives financières, des associations sans but lucratif, des sociétés d’investissement, etc. INAISE organise chaque année une Conférence Internationale réunissant les investisseurs et autres acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, afin de traiter des grands enjeux liés à leur secteur d’activité, et de créer des opportunités de coopération vectrices d’un changement social et environnemental. Chaque conférence encourage les échanges d’expériences, les réflexions collectives et les mises en relations entre acteurs.