La BAD Souhaite accélérer l’industrialisation de l’Afrique

La Banque africaine de développement (BAD) entend donner une nouvelle impulsion au  processus d’industrialisation du continent  africain avec entre autres objectifs : créer des entreprises, nourrir le continent, favoriser l’autonomisation et l’intégration des populations et améliorer leur qualité de vie.

Par Latyr Dieng, PmeAfricaines.com

La BAD  a mobilisé des ressources d’un montant égal à $ 35 milliards pour les dix prochaines années  et déroule un  plan d’action au titre de sa stratégie pour l’industrialisation du continent. L’institution panafricaine n’a pas lésiné sur les moyens pour aider l’Afrique à accroitre son PIB industriel, le faire passer d’un peu plus de $ 700 milliards aujourd’hui à plus de $ 1 720 milliards à l’horizon 2030. Atteindre cet objectif permettra au continent de relever son PIB à plus de $ 5 600 milliards et son PIB par habitant à plus de $ 3 350. C’est bien sûr une excellente nouvelle pour les afro pessimistes, mais la tache sera  ardue   quand on sait que les industries africaines demeurent encore les moins compétitives et les moins  productives dans le monde avec une  valeur ajoutée de fabrication manufacturière, comme un pourcentage de PIB,  très faible à 12-14%. En ce qui concerne le pourcentage de la valeur ajoutée de fabrication Manufacturière dans le monde , la part de l’Afrique s’élève à 1,5% comparé à l’Asie de l’est  (17,2% ), l’Amérique Latine (2,8%), l’Amérique du Nord (22,4%) et l’Europe  (24,5%). Ce retard dans l’industrialisation du continent n’entame en rien la détermination de la Banque qui a désigné la Corée du Sud comme modèle pour l’Afrique ; un continent qui n’exporte pour l’essentiel, que des matières premières non transformées.  Et, il n’est guère surprenant que ses économies soient souvent affectées par la volatilité des cours mondiaux des produits de base.

Une industrialisation axée sur l’agriculture et le numérique

Pour atteindre ses objectifs, la banque panafricaine va  concentrer son action sur l’industrialisation de l’agriculture et les nouvelles compétences  requises pour celle-ci afin d’aider les agro-industries notamment les Petites et Moyennes Industries (PMI) et industries connexes à s’implanter en milieu rural. Ainsi, avec l’appui d’une infrastructure intégrée incluant routes, électricité, eau et TIC, le développement de pôles de transformation des cultures de base de la chaîne de valeur agricole et des économies d’échelle, favoriseront l’essor de nouvelles zones de prospérité économique dans les économies rurales du continent. En vérité, aucune région au monde ne s’est jamais industrialisée sans transformer son secteur agricole or, l’agriculture représente 16,2 % du PIB du continent et fournit du travail à plus de 60 % de sa population. Pour les stratèges de la BAD, c’est  là  où se trouve la clé de l’accélération de la croissance, de la diversification de l’économie et de la création d’emplois. Paradoxalement  l’Afrique  détient   de  vastes terres agricoles inexploitées qui représentent 65 % des terres arables disponibles aujourd’hui dans le monde. Aussi, les agriculteurs africains travaillent dur, tous les ans, pour fournir 75 % de la production mondiale de cacao, mais perçoivent moins de 5 % des $ 120 milliards de bénéfices annuels réalisés sur le marché du chocolat.  La Bad estime que l’agriculture doit être à l’avant-garde de l’industrialisation de l’Afrique car pour l’heure, ce continent ne profite pas encore des autres activités industrielles ou minières malgré ses énormes gisements de ressources minérales. Par exemple, l’Afrique  fournit 50 % de la production mondiale d’or, mais ne reçoit que 4 % des 300 milliards de dollars des recettes mondiales générées par l’or. Sans compter ses riches gisements de gaz naturel, de pétrole, de minéraux et de métaux. C’est pourquoi la Banque  a approuvé  un investissement de $ 15 millions dans l’Africa Food Security Fund (AFSF). Il s’agit d’un fonds de deuxième génération qui a pour objectif une capitalisation de $ 100 millions pour investir dans des PME-PMI à fort potentiel de croissance dans les chaines de valeur alimentaires et agricoles notamment dans des pays comme le Sénégal et le Mali.

En plus, la Banque et ses partenaires – la Fondation Rockefeller, Microsoft et Facebook informent avoir lancé le 06 juin dernier, le programme Coding for Employment (« Codage pour l’emploi »), à l’occasion du Sommet africain de l’innovation à Kigali, au Rwanda. Objectif de Coding for Employment : préparer les jeunes Africains aux emplois de demain et mettre à profit le potentiel de la prochaine génération de jeunes innovateurs du numérique à travers le continent. Grâce à Coding for Employment, plus de 9 millions d’emplois verront le jour et 32 millions de jeunes et de  femmes, notamment en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Nigeria, au Rwanda et au Sénégal, auront la possibilité d’accéder à des qualifications dans le numérique et se verront offrir de vraies opportunités  qui leur permettront  de pouvoir exercer leurs talents, realiser leurs idées de projet et valoriser leur savoir-faire pour faire progresser le développement économique et social du continent. De même, avec ses partenaires, la Banque africaine de développement va lancer du 7 au 9 novembre 2018 à Johannesburg, en Afrique du Sud, une plateforme transactionnelle dénommée « Forum pour l’investissement en Afrique », dans le but d’amener les fonds de pension, les fonds souverains et d’autres investisseurs institutionnels mondiaux à investir massivement en Afrique.

Une industrialisation calquée sur le modèle sud-coréen

Les Assemblées annuelles 2018 de la BAD tenues cette année du 21 au 25 mai à Busan (Corée du sud) se sont focalisées principalement sur l’accélération de l’industrialisation de l’Afrique. Elles ont été une occasion pour les responsables issus des différents pays du contient d’échanger entre eux et avec les responsables sud-coréens sur cette thématique. Au  préalable, et au regard de l’importance de la participation de diverses parties prenantes aux questions de développement, des  Forum régionaux   ont été organisés  un peu partout à travers l’Afrique, entre  les acteurs sociaux, les représentants gouvernementaux, les membres de la Bad  etc, pour un dialogue structuré qui a  soutenu la formulation et la mise en œuvre de la politique industrielle par des conseils pratiques. Puis, des recommandations issues de ces sessions ont été validées et présentées à la plénière aux fins de leur intégration dans les politiques et projets de la BAD, lors des Assemblées annuelles. Rappelons que L’Afrique et la Corée du sud se sont engagées à cette occasion, à joindre leurs efforts pour explorer les technologies intelligentes afin de stimuler l’industrialisation rapide du continent et en faire un élément majeur de la 4ème révolution industrielle. Au demeurant, même si cette industrialisation devrait reposer sur le renforcement de la coopération entre l’Afrique et d’autres régions du monde, l’institution panafricaine a mis l’accent sur le modèle d’industrialisation  de la Corée du sud. En effet, un partenariat  nommé KOAFEC (Korea-Africa Economic Cooperation)  existe depuis 2006 entre la BAD  le ministère sud-coréen de la Stratégie et des Finances et la Banque Export-Import de la Corée.

Dés lors, les pays africains accepteront ils de suivre la BAD et de benchmarker la Corée ? Rien n’est moins sûr quand on sait que le choix n’est pas évident ! Déjà que qu’en matière de stratégie de  développement agricole du continent, deux approches divisent les pays membres  nommées  «High Five ou TOP5» initiée  la Banque Africaine de développement (BAD), et « Piata » initiée  Forum sur la Révolution verte en Afrique (AGRF). Toutefois,  en désignant la Corée du Sud comme modèle la Bad est convaincue que  l’Afrique pourra accroitre son PIB industriel et son PIB par habitant à l’horizon 2030.

Quoi qu’il en soit, les pays africains  doivent s’approprier l’une ou l’autre stratégie d’industrialisation et devront  faire preuve de plus de transparence dans la gestion de leur économie car, la corruption est un véritable frein au développement du continent.

Pour stimuler l’industrialisation inclusive et durable du continent, les gouvernements africains doivent  encourager une transition vers les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, notamment dans les zones rurales, où réside 70 % de la population du continent.  L’industrialisation est un  projet politique avec une stratégie économique ; il s’agit pour les pays de  faire des choix de  politique correcte, en  créant les institutions et  les motivations nécessaires,  en vue  de faire les choses dans des manières les plus  conventionnelles.




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