Les lampions du 2ème Congrès régional des experts-comptables de l’espace UEMOA se sont éteins à l’hôtel le King FADH de Dakar qui a abrité l’événement les 20 au 21 septembre 2018. Au cœur de leurs travaux, figurait en bonne place la formalisation des PME et TPE du secteur informel.
Par Bacary SEYDI
Co-organisée par l’Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agrées du Sénégal (ONECCA) et le Conseil Permanent de la Profession Comptable de l’UEMOA (CPPC) qui regroupe l’ensemble des huit Ordres d’expertise comptable de l’UEMOA, cette deuxième édition a réuni autour du thème « L’expert-comptable créateur de valeur » plus de deux cent participants venus des quatre coins d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, pour des échanges d’expériences de bonnes pratiques et des réflexions sur la contribution des professionnels de l’expertise comptable au processus de développement économique du continent africain au-delà de l’UEMOA.
Apres avoir démontré leurs apports dans le processus de création de valeur aux cotés de leurs clients (entreprises, Etats, investisseurs, banques et établissements financiers, bailleurs de fonds etc), et souligné à grands traits leur rôle dans la mise en œuvre des reformes initiées dans les espaces UEMOA et OHADA visant à améliorer le climat des affaires et la gouvernance des finances publiques, les experts comptables ont planché sur une préoccupation partagée des Etats et de l’ensemble des acteurs du développement : la migration du secteur informel vers le secteur formel.
Comme l’a rappelé la Présidente de l’ONECCA Madame Marie BA dans son allocution de bienvenue, le dernier Recensement Général des Entreprises (RGE) au Sénégal effectué par l’ANSD en fin 2016 a révélé que « 97% du tissu des PME sénégalaises opèrent dans l’informel » ; ce qui à ses yeux, constitue « une grande équation posée aux politiques de transformation structurelle de nos économies et d’amélioration de la compétitivité des entreprises locales. ». A en croire la Présidente de l’ONECCA, l’instauration du Visa de l’expert-comptable sur les états financiers des entreprises préalablement à leurs dépôts auprès des Administrations fiscales dans l’espace UEMOA, est une première porte d’entrée de la profession comptable dans les PME du Secteur informel. C’est une opportunité pour les experts-comptables de s’attaquer aux PME du secteur informel ; pas seulement pour des missions comptables mais beaucoup plus pour les accompagner à améliorer leur gestion et leur gouvernance et d’en faire de futurs champions.
Le premier ministre de la république du Sénégal, monsieur Mahammad Boune Abdalah Dionne venu présider la rencontre, n’y est pas allé par quatre chemins pour inviter les experts-comptables à venir à la rescousse des Etats pour formaliser ce maillon important des économies africaines : « Vous pouvez, et vous devez le faire ». Il est allé même plus loin en leur indiquant par où commencer. «Je voudrais saisir cette occasion pour faire un appel à votre profession. Nous disposons, à travers l’OHADA, un puissant instrument pour faciliter la transition entre le secteur informel et le secteur structuré à savoir le statut de l’entreprenant. Je pense que vous pouvez davantage le promouvoir et le vulgariser. Vous créerez ainsi davantage de valeurs dans l’économie nationale» a-t-il lancé aux experts comptables.
Un devoir de soutien de la profession comptable au secteur informel
Le devoir d’accompagner et de soutenir les PME et TPE du secteur informel à devenir des entreprises compétitives, créatrices de richesse et d’emplois durables est apparu pendant les échanges comme une commande publique, voire une demande sociale, adressée aux experts-comptables dont ils doivent s’acquitter dans le cadre de leurs missions de service public au profit de l’intérêt général. La question que tout le monde s’est posée lors des travaux, c’est de savoir si les experts comptables peuvent continuer à revendiquer le statut d’acteur majeur de l’économie si en même temps ils ignorent dans leurs interventions l’essentiel de ce qui compose le tissu économique des pays africains (le secteur informel) en restant confinés dans leur zone de confort : les grandes entreprises structurées qui constituent une infirme minorité? La réponse est évidemment non. Les expériences du Benin qui implémente depuis mai 2015 le « Statut de l’entreprenant » promu par l’OHADA pour les 17 pays qui la compose, un statut parfaitement adapté pour faire migrer les entreprises du secteur informel au secteur formel, et celle de la Côte d’ivoire qui a réussi à intéresser 52 000 entreprises du secteur informel à adhérer au système de Visa de l’expert-comptable sur les états financiers, montrent bien que les experts-comptables peuvent devenir des alliés de taille du secteur informel. A condition bien sûr qu’ils changent de regard, d’approche, et de langage avec une cible pas comme les autres, et de se dire que le petit client d’aujourd’hui peut devenir le grand client de demain avec un peu de soutien.
L’Etat du Sénégal est attendu dans le vote de la « Loi sur le développement des PME et la modernisation de l’économie » qui consacre le « statut de l’entreprenant » au Sénégal. Cette loi qui a fait l’objet de validation technique nationale depuis Octobre 2014 attend toujours son passage à l’Assemblée Nationale !
En attendant le 3ème Congrès régional qui sera organisé à Cotonou au Benin, en octobre 2019, on peut retenir que le 2ème Congrès a été un moment d’échanges très fructueux qui ont donné lieu à d’importantes recommandations qui peuvent se résumer en deux mots « Au travail ! ».