
Dans la chaine de valeur de l’assurance, le métier d’assureur conseil apparait de plus en plus comme un maillon essentiel positionné entre le client et l’assureur. Toutefois, la valeur ajoutée qu’apporte l’assureur conseil mérite d’être mieux connue des entreprises et du grand public. Dans cette interview que la présidente de l’Association des Assureurs Conseil Sénégalais (ASAC) Madame Raqui Wane a bien voulue accorder à notre rédaction, nous avons tour à tour revisité avec elle les contours du métier d’assureur conseil, son importance dans la gestion de la relation client entre les compagnies d’assurance et l’assuré, et avons tenté d’analyser les dynamiques qui traversent la corporation des assureurs conseil et de dégager les perspectives qui s’offrent à la profession à la lumière des mutations technologiques et économiques en cours et des opportunités nées de ce contexte nouveau d’exploitation de pétrole et de gaz au Sénégal.
Pme Africaines : Pourriez-vous vous présentez à nos lecteurs madame ?
Madame Raqui Wane : je suis Administratrice Générale d’Horizon Assurance SA qui est un Cabinet de courtage en assurance conseils de droit sénégalais. Mais je suis aussi la présidente de l’Association des Assureurs Conseil Sénégalais (ASAC).
Le secteur de l’assurance est traversé par des reformes dont l’augmentation du capital des compagnies de 3 à 5 Milliards de FCFA à compter du 31 Mai. Comment accueillez-vous ce durcissement des conditions d’exercice imposé aux compagnies d’assurance par la CIMA ?
J’accueille ces mesures avec beaucoup de satisfaction en ma qualité d’assureur, mais qui plus est, assureur conseil, en charge de veiller à prodiguer les meilleurs conseils pour la meilleure couverture possible des risques que nous confie notre clientèle d’assurés.
Nous évoluons quand même dans un secteur spécifique, où il est question de la meilleure gestion possible de l’épargne collectée, un secteur où il est question de sécuriser le patrimoine des assurés et de sauvegarder les droits des victimes et des bénéficiaires de contrats d’assurance.
Par suite, la rigueur du régulateur CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances) ne saurait nuire. Son rôle est justement d’apporter toute la transparence qui sied à la gestion des compagnies d’assurances et de veiller à la réalité de leur solvabilité.
A mon humble avis, les compagnies elles-mêmes devraient accueillir favorablement cette augmentation que le législateur CIMA souhaite en numéraires, car elle donnera les moyens nécessaires aux assureurs de faire face à leur multiple engagements (règlements de sinistres, charge de réassurance, frais généraux divers, etc.…).
Pouvons-nous attendre de cette mesure plus de célérité dans le règlement des sinistres et une densité plus forte de l’assurance dans la zone CIMA?
La célérité dans le règlement des sinistres, c’est l’effet recherché, sinon l’un des effets recherchés par le régulateur.
En effet, tout autant que la corporation que je représente agissant pour le compte des assurés que la CIMA, depuis quelques années, nous nous battons pour un règlement rapide des sinistres : parce que l’assurance, ce n’est pas seulement que de payer des primes, mais c’est aussi de payer le sinistre lorsque le risque se réalise.
C’est ainsi que cette mesure d’augmentation en numéraires aura forcément comme corollaire naturel, de permettre une certaine liquidité des sociétés d’assurances qui, à terme, pour autant qu’elles aient procédé à des placements rentables, pourront convenablement booster leur trésorerie et améliorer ainsi leur cadence de règlement des sinistres.
Vous en tant qu’assureurs conseils dans quelle mesure la mesure vous concerne ? Etes-vous directement concernés ?
Oui ! J’allais dire par ricochet. Si les assurés ou bénéficiaires de contrats sont mieux traités, nous, c’est aussi notre satisfaction dans la mesure où nous représentons les intérêts des clients, des assurés. Nous autres cabinets de conseil, nous sommes un peu comme le contrôle. Si le client est satisfait, nous le sommes parce que nous sommes là pour apporter une valeur ajoutée dans la relation entre assurés et assureurs. Et cette valeur ajoutée, elle se manifeste surtout au niveau du règlement des sinistres parce que si les sinistres ne sont pas réglés, ca voudra dire que nous avons failli à notre mission.
Donc, plus on réglera les sinistres avec une cadence soutenue, plus il y aura de la célérité dans la gestion des dossiers, mieux cela vaudra pour nous et pour tout le monde.
Le métier de courtier en assurances (assureur conseil) n’est pas bien connu du grand public, quel est ce plus que vous apportez aux clients ?
Vous l’avez dit : c’est un métier en effet méconnu.
Hormis certaines personnes morales, certaines entreprises même dans nos pays (en Afrique notamment), peu de personnes physiques connaissent le rôle et l’utilité du courtier. Cela a tendance à changer maintenant, Dieu merci. Mais l’activité de courtage n’est toujours pas très bien connue du fait d’une faible pénétration de l’assurance dans le marché.
Le courtier appelé communément et de façon galvaudée « l’assureur conseil », est un professionnel positionné entre l’assureur et le client, et qui a pour mission de conseiller ce dernier : d’abord au moment de la souscription de contrat (à propos des garanties auxquelles le client veut souscrire, les exclusions, les franchises etc…), ensuite au moment de la survenance d’un sinistre.
Il doit ainsi suivre le client durant toute la vie du contrat et en cas de sinistre, jusqu’au paiement de l’indemnité. Donc on peut dire que l’assureur conseil intervient en amont et en aval de la vie du contrat, et même au delà.
« Le client bénéficie par l’entremise de son assureur conseil, de la possibilité de pouvoir comparer les offres de plusieurs compagnies, pour dénicher l’offre la meilleure. »
Ce qui est intéressant à savoir, c’est qu’il est rémunéré par l’assureur auprès de qui il va placer les contrats. Autrement dit, son intervention ne coûtera rien à son client.
Que le prospect passe par l’assureur conseil qui lui procurera aussi bien conseil et assistance comme je l’expliquais tantôt, ou qu’il aille directement souscrire un contrat auprès d’une compagnie d’assurance, il payera la même prime.
Par ailleurs et même s’il sait le faire (sachant qu’il n’a sûrement ni le temps ni les connaissances nécessaires pour s’y consacrer), le client bénéficie par l’entremise de son assureur conseil, de la possibilité de pouvoir comparer les offres de plusieurs compagnies, pour dénicher l’offre la meilleure. Une prime peut être moindre mais sans refléter une bonne couverture. Et comme vous le savez, on peut bien être moins disant et ne pas être mieux disant !
Comment se porte aujourd’hui le marché de l’assurance conseil au Sénégal?
Le marché de l’assurance conseil pourrait se porter mieux parce qu’aujourd’hui, nous avons des cadres de très haut niveau dans nos cabinets. Nous avons également des cabinets ayant des ressources valables. Seulement, c’est un secteur qui est certes réglementé mais mérite d’être mieux réglementé.
En effet, il y a un accès à mon avis très facile à la profession qui ne se justifie pas parce que c’est une profession où on a vraiment besoin d’expertise. On a besoin d’un certain niveau d’instruction simplement parce qu’on est dans le conseil. On semble l’avoir oublié.
On ne voit que le coté affairiste ou business. On pense que c’est un secteur où on peut se faire rapidement de l’argent alors que ce n’est vraiment pas ça. C’est un secteur qui demande que l’on s’investisse, parce que c’est du conseil et on doit bien conseiller les clients. Il y a une responsabilité de l’assureur conseil s’il s’avère qu’il a mal conseillé son client. Il pourrait et devrait voir sa responsabilité engagée parce qu’il aurait mal conseillé son client et fait subir à ce dernier des préjudices économiques. C’est des choses qui arrivent dans les pays développés qu’on devrait pouvoir faire appliquer dans nos pays.
Venons-en à votre Association, pourriez vous nous la présenter dans son membership et dans ses missions et objectifs ?
L’association regroupe l’essentiel des cabinets car nous sommes 37 sur environ soixante dix cabinets, et des cabinets importants tout de même.
J’en assume la présidence entourée de deux vices présidents : la première vice- présidence est occupée par le Directeur Général du Cabinets MAAS, la deuxième par le Directeur Général du Cabinet Financeo. Le secrétariat général est occupé par le Directeur Général du Cabinet Fidelia. Nous avons aussi un trésorier général qui est le DG d’ASCOMA, suppléé à chaque fois que de besoin, par un trésorier adjoint. Ce sont tous des cabinets installés au Sénégal.
Nous avons également un commissariat au compte qui est assuré par le cabinet CIBA.
Nous avons créé les commissions que sont : la commission technique et juridique, la commission finance, la commission communication. Une commission sociale et une commission Sport ont également été mises sur pied afin de travailler au rapprochement des coutiers d’assurance entre eux, créant ainsi synergie et convivialité.
Quant à nos objectifs, et au delà de nos objectifs fondamentaux de défense des intérêts matériels moraux de la corporation, nous avons aussi à cœur de promouvoir l’assurance en général, et le courtage d’assurance en particulier : ce credo passe par une cellule de veille pour tout ce qui concerne les textes et dispositions réglementaires ; étant de temps à autre interpelés par notre tutelle.
Ensuite, nos objectifs, c’est également de promouvoir la formation de nos membres, conscients que c’est de l’ordre de la nécessité dans notre métier aujourd’hui, de même que la communication parce qu’on estime et c’est certain, que notre métier gagnerait à être mieux connu par les populations.
Dans le même ordre d’idées, la bataille pour une rapidité et une célérité sans failles dans le règlement des sinistres doit être menée, parce que l’assurance c’est aussi une question de confiance.
Tout cela fait partie de nos missions, et participe d’une meilleure pénétration de l’assurance au Sénégal.
La question de l’assainissement du secteur on l’évoquait tout à l’heure, ne doit –elle pas faire partie des missions d’une Association comme la votre ?
Effectivement. L’assainissement du secteur de notre point de vue c’est :
- Continuer à former et à parfaire la formation de nos personnels ;
- Mettre fin à la prolifération inopérante du reste, des partenaires, agents et autres apporteurs, et ce, aussi bien pour notre compte que pour celui des sociétés d’assurances.
Il y va de la qualité des opérations d’assurances et de la solvabilité des acteurs du marché que nous avons en commun, les assureurs et nous.
La révolution numérique et digitale en cours est de nature à supprimer les intermédiaires dans la gestion de la relation client. N’est ce pas là une sérieuse menace sur un métier comme le votre ?
D’abord, il faut savoir que le digital reste un outil, donc un moyen qui ne saurait définitivement remplacer le courtier dans toute sa plénitude.
Cependant, on serait en effet tenté de dire que le digital tout comme le numérique pourrait constituer une menace, parce qu’aujourd’hui, on pourrait penser ne pas avoir besoin d’intermédiaire pour souscrire un contrat d’assurance, en se plaçant juste derrière son ordinateur ou son smarthphone pour avoir les offres des compagnies.
Alors que le digital comme le numérique, constitue plutôt une opportunité. Et comme on dit, on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras. Donc cette avancée technologique, elle est inéluctable.
En conséquence de quoi, et c’est ce qu’il faut, les assureurs conseils doivent mettre la main à la pâte, se mettre à niveau, acquérir des cabinets qui soient mieux équipés en logiciels, anticiper en allant vers les cibles pour pouvoir offrir nos services à travers le digital.
L’autre aspect, pour certains produits de masse tels que les voyages, les autos, et même les produits vie, on peut être tenté de croire que le digital est effectivement une menace.
Mais pour tout ce qui est gros risques, tout ce qui est risque de pointe, aucun assuré ne va s’aventurer à souscrire une police d’assurance à partir de son ordinateur.
On assiste depuis un certain temps à une ronde des assureurs conseils internationaux au Sénégal du fait des opportunités nées de l’exploitation de ressources pétrolières et gazières ? Comment analysez-vous ce rush vers Dakar et comment comptez-vous vous positionner dans ces nouveaux secteurs d’activité avant que d’autres ne viennent le faire à votre place ?
Oui, il faut reconnaître qu’à l’aune de ces découvertes, la destination Sénégal va être de plus en plus attractive pour les investisseurs avertis, et c’est notre souhait.
Cependant et pour autant, il faudra protéger notre économie, protéger les nationaux qui sont là et qui se battent sur le marché local parce que n’ayant probablement pas (pour la plupart d’entre eux qui nourrissent cet espoir), la possibilité d’aller s’établir sur d’autres marchés.
Les assureurs conseils pour leur part ne sont pas en reste. Effectivement, nous voulons, sur le plan assurantiel, nous approprier autant que faire se peut, les retombées de ces découvertes de pétrole et de gaz à travers le prisme du PSE.
Nous avons l’expertise qui sied.
Il suffira de créer les conditions réglementaires idoines pour nous permettre de capter ces gros risques.
Beaucoup de produits proposés par les compagnies qui pourraient parfaitement intéresser les petites et moyennes entreprises comme les produits de cautionnement pour ne citer que ceux là, sont très peu connus de ces entités ? Que peuvent faire les assureurs conseils pour vulgariser ces produits ?
Vous posez là un problème d’une grande acuité qui est celui de la communication : nous ne communiquons pas suffisamment, aussi bien les assureurs que nous, courtiers.
Et c’est dommage parce qu’il y a beaucoup de produits qui intéressent les populations sur lesquels on ne communique pas. Et comme j’aime à le dire, l’assurance est un vecteur de développement car lorsque l’on est bien protégé, bien sécurisé, l’on a envie de prendre des risques, de développer notre activité. Lorsque l’on sait être bien assuré derrière, qu’en cas d’accident on n’est pas près de perdre tout son patrimoine, là on devient sereinement plus agressif commercialement.
De ce point de vue déjà, les assureurs de tout bord que nous sommes, devons avoir foi en une nécessaire bonne communication sur ces produits nouveaux et innovants à l’endroit du grand public et des PME/PMI.
Une question d’actualité au Sénégal se trouve être la multiplicité des incendies dans les marchés. Qu’est ce que cela vous inspire en tant qu’assureur ?
L’assurance est un vecteur de développement. Ce qui signifie que les assureurs ont certainement toujours un rôle à jouer dans la sauvegarde du patrimoine de nos commerçants, dont il est très dur de voir des années d’économie et de dur labeur partir en fumées à chaque feu non maitrisé qui se déclare sur nos marchés et ce, de plus en plus.
Par suite de cette assertion, le maître mot apparaît être la Prévention.
En effet, comme je vous l’avais dit tantôt, qui parle d’assurance parle de prévention et de sécurité.
Aussi, à mon humble avis, la solution est de prendre toutes les mesures adéquates de nature à réunir les conditions favorables à ce que le risque puisse être assurable. Il conviendra donc d’exhorter les commerçants et autres opérateurs économiques à s’organiser avec comme corollaire, des installations correctes sécurisées, plus modernes, faisant de leur patrimoine un business assurable.
Une fois ce challenge remporté haut la main, ma proposition serait de couvrir ce genre de risques par le biais d’un pool de compagnies d’assurances afin de les mutualiser au mieux.
Il serait bienvenu qu’assureurs, assureurs conseils, commerçants, opérateurs économiques et pouvoirs publics, s’asseyent autour d’une table afin de trouver ensemble une solution à ce fléau, et voir comment le juguler comme frein au développement.
Parlons maintenant de votre Cabinet Horizon Assurances. Comment se porte-t-elle ?
Horizon Assurance se porte bien au gré des challenges de tous les jours qui jalonnent la bonne marche du courtage au Sénégal.
Au niveau d’Horizon Assurances, notre credo c’est : l’éthique, la transparence, le professionnalisme, et surtout l’écoute, être au service de nos clients et à leur écoute.
Votre dernier mot ?
Avant ce dernier mot porteur de message, permettez-moi d’abord, à travers votre tribune, de lancer un cri du cœur pour ne pas dire un coup de g.… à l’encontre de ces Assisteurs internationaux qui commercialisent de plus en plus sur nos marchés via l’internet (support digital), au mépris de toute réglementation l’interdisant formellement du reste (cf. article 308 nouveau du code des Assurances), des contrats SANTE, et ce ; au détriment des acteurs locaux que nous sommes (les assureurs compris).
Ce n’est ni plus ni moins, qu’une fuite de capitaux (primes) et d’attaque en règle de parts de marché au détriment de nos jeunes économies.
En effet, comme j’ai pu souligner tantôt l’intérêt sans conteste certes, du digital, numérique et autres réseaux sociaux, c’est avec la même force qu’il convient de relever également leur dangerosité, car c’est en ligne que les souscriptions se font auprès de ces assureurs – Assisteurs étrangers pour compte de nos prospects locaux et dans un domaine classique dans lequel le savoir faire ne nous a jamais fait défaut, à savoir la branche Santé (Maladie) en l’occurrence : cela nous paraît inadmissible.
Autrement, l’autre message que je voudrais lancer est que le métier de courtage (d’assureur conseil) soit mieux organisé pour être davantage mieux connu, que les prospects et clients puissent utiliser cette possibilité qu’ils ont de passer par des professionnels, et que les populations puissent s’assurer plus parce que l’assurance est un facteur de développement économique et social.
J’en appelle à nos autorités également pour se faire.
Je reste convaincu que notre secteur est un secteur qu’on gagnerait vraiment à appuyer, à aider, pour de plus grandes performances portées par les opportunités actuelles ou à venir.