Comment Madame Sylvie Sagbo Gommard, Directrice de LYSA & CO a réussi à transformer une entreprise familiale de transformation artisanale de produits agroalimentaires en une unité moderne de production semi-industrielle ? Réponse dans cette interview qu’elle a bien voulue accorder à la rédaction de Pme Africaines qui lui a rendue visite sur le site de l’usine de production.
Propos recueillis par Bacary Seydi

Pme Africaines : Madame Gommard, pourriez-vous nous entretenir sur les defis auxquels faisait face l’entreprise que vous dirigez aujourd’hui lorsque vous êtes revenue de France prendre les commandes?
Sylvie Sagbo Gommard : LYSA & CO est une entreprise familiale née en 1982, gérée par ma mère qui n’était pas forcément allée à l’école, qui ne prenait pas de risque. C’était donc une entreprise familiale avec une gestion maternelle. Ma mère ne prenait pas de prêt bancaire, donc pas de risque. On l’appelait Mamy. C’était une gestion de type familiale avec certes de très bons produits, des produits de bonne qualité. Maman avait beaucoup travaillé sur les recettes et sur la clientèle. Elle était la première à avoir proposé dans des supermarchés des produits alimentaires locaux transformés : tout ce qui est cacahuètes, noix de cajou.
Elle avait commencé avec les supermarchés Filfili, Prix bas à l’époque et elle avait continué à travailler avec une gamme réduite de produits. Elle avait aussi beaucoup travaillé à garder cette clientèle qu’elle avait déjà. Mais par contre, on se rendait compte qu’elle n’arrivait pas à grandir parce qu’on sentait qu’elle n’avait pas forcément les moyens de grandir, d’augmenter sa capacité de production. Les produits étaient transformés au niveau de l’Usine Maison, donc au niveau de la maison familiale. Elle y avait aménagé le niveau supérieur, c’est-à-dire la terrasse, avec des usines ateliers et c’est là qu’elle transformait le produit de façon artisanale.
Il n’y avait vraiment pas une organisation administrative, avec une partie production, une partie administrative. Donc il n’y avait que la production. Toute la partie comptabilité, commercialisation était externalisée. Donc c’était compliqué de croître en fait.
Les produits étaient de très bonne qualité ; moi je les recevais en France et je les faisais goûter autour de moi. Je voyais bien qu’ils étaient de très bonne qualité, et le potentiel de marché. Mais il fallait juste du sang neuf vu déjà l’âge de la maman, elle avait 75 ans et donc je voyais qu’il fallait du sang neuf, de nouveaux visuels etc.
Je me rendais compte que pour la partie visuelle, elle avait gardé son logo de 1982. Tout ce qui est partie marketing, ma mère ne connaissait pas, donc elle faisait tout ce qu’elle pouvait. Par exemple le Logo qu’elle avait depuis 1982, c’est le logo que j’ai retrouvé en 2015. Les étiquettes sont restées les mêmes. Que le Logo soit resté le même, ca a du sens, mais les étiquettes elles, n’ont pas évolué. Elles avaient les mêmes couleurs. L’entreprise était plutôt focus sur la transformation et la vente.
Donc le premier défi, c’était d’augmenter la capacité de production. Le deuxième, c’était d’avoir un approvisionnement constant et pérenne en matières premières. Aujourd’hui, pour la partie arachide, on a un approvisionnement assez simple qui marche bien.
Pour la partie noix de cajou, c’était plus compliqué parce qu’au tout début, elle achetait des noix de cajou décortiquées qu’elle transformait. Ca coûtait très cher. Elle a pensé acheter de la noix de cajou brute qu’elle faisait transformer par des unités de transformation en Casamance, pour ensuite récupérer l’amande de la noix de cajou qu’elle faisait transformer en deuxième transformation. C’est ce qui faisait qu’on avait très souvent des pénuries de noix de cajou. Ca donnait une production en dents de scie avec une forte pénurie de cajou qui captait énormément de chiffre d’affaires. C’était devenu très compliqué et avec l’âge, je pense que c’était le temps d’un repos bien mérité pour elle plutôt que d’être là à courir derrière les arachides, les noix de cajou etc. C’était donc le moment pour elle de lever le pied.
On était cinq enfants. Elle nous a dit qu’elle avait envie d’arrêter. Elle nous a aussi demandés qui parmi nous avait envie de reprendre le flambeau et continuer le travail avant qu’elle ne soit obligée de confier l’entreprise à un gestionnaire externe.
Je me suis dit qu’il fallait que je rentre pour pouvoir m’occuper de la structure.
Est-ce que ces defis sont définitivement dernière nous maintenant que vous avez pris les commandes de l’affaire ?
Écoutez, on va dire qu’une partie est derrière nous. Maintenant, il y a toujours d’autres defis. Je pense que quand on grandit on a toujours des defis à relever. C’est ce qui rend la chose intéressante. Aujourd’hui, pour la noix de cajou, on n’achète plus la noix brute qu’on transforme. Je l’ai fais pendant un certain temps (1an et demi) quand je suis arrivée en 2015. Et on s’est rendu compte à quel point c’était difficile de gérer une unité de transformation qui n’était pas la notre et qui se trouve en Casamance, donc loin de Dakar. C’était difficile de s’assurer qu’on ne perdrait pas de stock de noix de cajou, que la noix de cajou était de très bonne qualité. Bref c’était complique à distance. Finalement, la première décision que j’ai dû prendre, c’était d’arrêter d’acheter la noix de cajou, d’acheter l’amande blanche qui certes coûtait plus cher, 10 fois plus cher que la noix de cajou brute, mais qui au moins, permettait d’avoir la certitude que la matière première qu’on a en main est une matière première de qualité qu’on peut transformer pour avoir un produit fini de qualité.
Donc aujourd’hui, on a moins de soucis pour tout ce qui est rupture de stock de noix de cajou que les dix dernières années, Pourquoi ? Parce qu’on achète avec 3 à 4 fournisseurs d’amande de cajou au Sénégal, au Burkina, au Togo et en Guinée Bissau. On diversifie déjà pour avoir l’amande de la meilleure qualité qui soit. On a donc des commandes et des livraisons régulières de manière à avoir un stock pérenne.
Quid de l’approvisionnement tout le long de l’année étant donné que pour l’arachide tout comme pour la noix de cajou, les récoltes sont saisonnières ?
Le fait de s’approvisionner en amande de cajou, ca nous permet de se mettre à l’abri toute l’année. Parce qu’en fait, la récolte se fait en Avril-Mai pour la noix de cajou qui est transformée et ensuite stockée. On a la chance d’avoir un produit qui peut être stocké facilement un an, voire deux ans et plus. C’est pourquoi le mode de stockage est important. On est plutôt sous le mode du sous vide. Et comme on travaille avec des usines qui vendent de l’amande de noix de cajou, on a la noix de cajou toute l’année parce qu’actuellement, ils achètent des noix mais ils ont encore l’amande de la saison dernière et dés qu’ils ont de la noix, ils vont transformer et stocker. Donc nous, on mise sur des fournisseurs qui sont spécialisés sur l’amande de cajou, l’amande blanche ; la noix de cajou décortiquée tout le long de l’année.
Les soucis qu’on a par rapport à l’amande de cajou, c’est plutôt d’avoir de l’argent, c’est le financement nécessaire. Il faut avoir la trésorerie nécessaire pour pouvoir tout au long de l’année acheter. C’est ca le défi qu’on va rencontrer aujourd’hui.
On reviendra sur le défi financier mais il y a un défi transversal à l’ensemble des operateurs de transformation alimentaire, c’est le défi de la qualité. Pas seulement de la qualité intrinsèque du produit mais au-delà, tout ce qui a trait au rapport avec les normes d’hygiène et de sécurité sanitaire des aliments, les normes exigées sur les marchés à l’export. Comment adresser vous ces problématiques ?
Ecoutez, on dit par rapport à Lysa &Co quand on parle de la marque, et vous le verrez sur nos documents, l’exigence de goût. Et dés qu’on parle de Lysa &Co on parle d’exigence de ce goût là. Cette exigence vient de Mamy qui a une exigence très forte et je vais vous donner un exemple en prenant le cas de l’arachide. En parlant d’arachide, vous savez que dans l’arachide, il y a une substance qui s’appelle aflatoxine. Aujourd’hui on fait souvent des tests de nos produits.
On s’est toujours battu pour avoir un taux d’aflatoxine le plus bas possible. Même en étant à sacré cœur ou l’usine maison, on faisait un triple tri. Par exemple, on demande à notre fournisseur de faire le premier tri. On lui demande d’enlever toutes les graines d’arachide qui n’étaient pas mâtures, parce qu’on sait que le développement de l’aflatoxine se fait dans les noix immatures. Nous évitons donc d’acheter toutes les petites graines.
Le deuxième tri est fait quand on achète le produit avant de le transformer. Et il y a un troisième tri qui est fait une fois la transformation faite pour enlever tout ce qui est impuretés. Donc on est vraiment sur une exigence par rapport à ce tri qui fait qu’au bout de compte, on a un produit qui est impeccable. On a un taux d’aflatoxine ici à LYSA & CO qui est inferieur à 0,1 % alors que le taux recommandé est de 1 et poussière. On a donc un taux extrêmement bas. Ca c’est des choses que j’ai trouvées dans l’entreprise déjà, qu’on continue à développer. C’est le savoir faire maison qu’on a développé jusqu’ici.
Ensuite, pour tout ce qui a trait aux normes elles-mêmes, lorsqu’on travaillait à la maison, on avait déjà une équipe qui avait sa tenue de travail ; ca, c’est la moindre des choses. Maman était toujours derrière les filles pour vérifier qu’on mettait les gants, qu’on respectait un certain nombre de règles, en somme sa méthode de transformation. Derrière cette exigence de goût que j’évoquais tantôt, il y a une exigence de madame SAGBO par rapport à sa méthode de transformation.
Par exemple l’anacarde est grillé par un four à bois. On est passé par plusieurs processus de transformation. Aujourd’hui, on a un four en bois à pieds réfractaires pour faire la cuisson du produit dans un environnement où on n’a pas de contact avec le sable, ni avec le combustible. C’est ce qui donne une transformation qui est saine. Par exemple, la noix de cajou est transformée pendant 5 tours d’horloge en utilisant une température basse pour ne pas choquer le produit et ne pas perdre les nutriments.
Je veux parler aussi du numéro d’Autorisation FRA délivré par les services de la Direction du Commerce intérieur pour vendre dans le marché des produits alimentaires transformés localement. Ma Maman l’a toujours eu depuis 1982. Elle a fait la demande pour tous ses produits. C’est vraiment dans le souci d’avoir un produit de qualité et d’être exigeant pour pouvoir respecter ces normes.
On sait que l’emballage aussi est un grand souci dans le secteur de la transformation agroalimentaire en Afrique et particulièrement au Sénégal. Quelles recettes utilisez-vous pour disposer d’emballages de qualité et à moindre coût ?
Ma maman a acheté en 2010 une ensacheuse qui nous permettait d’avoir nos propres sachets qu’on faisait nous-mêmes. C’est des sachets à l’époque, des sachets couchés, c’est-à-dire des sachets qui étaient fait par nous. On achetait le rouleau, on achetait le compas, et la machine faisait des sachets. C’est différent des sachets qu’on a aujourd’hui. Et ca marchait très très bien. Un moment, elle a pensé acheter un packaging plus intéressant en imprimant sur le plastique le Logo de l’entreprise pour faire plus joli. Malheureusement, ca n’a pas marché parce que les gens pensaient que les produits venaient de l’extérieur. Mais je pense que c’est parce qu’elle n’a pas préparé le changement. Elle n’a pas beaucoup préparé le consommateur à ce changement.
Quand je suis arrivée en 2015, nous avons pensé donner beaucoup plus de couleur, beaucoup plus de vie aux produits. C’est pourquoi on a revu la charte visuelle. Le logo était imprimé en plusieurs couleurs, ce qui donnait une étiquette bleu, une étiquette verte, une étiquette rouge etc. Finalement la plante verte qui signifie produit naturel, produit vert, on ne le voyait pas. On avait donc un logo avec plusieurs couleurs, et on imprime des étiquettes avec plusieurs couleurs.
Quand le sachet arrivait, les produits étaient d’excellentes qualités.
Je trouvais dommage qu’on ne les mettait pas assez en valeur dans les sachets plastiques couchés qu’on a faits.
Donc j’ai donc commencé à réfléchir à des sachets différents notamment les stands up, le kraft parce que le kraft je trouve que c’est du naturel, et ca restait déjà dans l’esprit de l’entreprise. Donc j’ai commencé à acheter ces produits à l’export. À ‘export, ca coûte. Je me suis dit, pour certains marchés, je vais proposer ce packaging là parce que j’ai conçu ces produits pour le marché à l’export.
Donc j’ai commencé par proposer ce packaging à tout ce qui est hôtel, l’aéroport de Diass et les Hôtels, donc pour une certaine gamme, une certaine cible de clientèle. La mayonnaise a tout de suite pris. Les gens étaient très intéressés par ce packaging. J’ai donc préféré les sachets de kraft stand uptransparent à des sachets de kraft couchés.
Aujourd’hui, on n’a plus du tout de sachet transparent couché. On a arrêté la machine et on est passé à la machine pour produire des sachets de stand up en plastique transparent couchés. Et on a le stand up kraft. Ensuite au début, on a travaillé sur des bocaux en plastique mais aujourd’hui, on est passé à des bocaux en verre. Petit à petit, on va vers le naturel, vers le développement durable. On évolue petit à petit en passant par des phases de tests. On produit en petite quantité pour un marché de taille réduite et au fur et à mesure, on se retrouve à proposer ce packaging pour des marchés plus intéressants pour pouvoir continuer à le produire. Mais c’est sûr que ca coûte cher parce que ca ne vient pas du Sénégal, ca ne vient pas d’Afrique en tous cas.
Le passage à l’échelle pour une entreprise a un coût. Comment êtes-vous parvenue à trouver les ressources nécessaires pour financer celui de LYSA & CO?
Moi, je savais en revenant en 2015 qu’il fallait qu’on délocalise l’entreprise. C’était clair pour moi. On ne pouvait pas grandir en restant à la maison. Je leur avais même dit si on ne déménage pas moi j’arrête parce qu’on ne grandira pas. On a des produits très innovants, des produits de qualité mais, rester à la maison serait vraiment dommage parce qu’on ne grandirait pas. Le challenge pour moi, c’est de pouvoir présenter ces produits sur des marchés plus intéressants, sur l’international. Pour ce faire, il fallait délocaliser. Quand je suis arrivée au début, la première partie de mon travail c’était de faire l’état des lieux pour voir un peu où est ce qu’on en était avec SENAR LES DELICES LYSA. Quels étaient les produits ? Je devais évaluer en fait le potentiel de l’entreprise. Il s’est avéré qu’on avait très rapidement été approché par un fond d’investissement, Terranga Capital, qui connaissait nos produits et qui, ayant vu qu’il y a quelqu’un de jeune dans l’entreprise, s’est dit : tient, on va approcher SENAR LES DELICES LYSA pour voir comment travailler avec eux !
Ils sont venus nous voir et on a finalement signé un partenariat au terme duquel, Terranga Capital qui est un fond d’investissement à impact, nous accompagne pendant cinq ans dans la croissance et le développement de l’entreprise. Ils ont donc investi dans la société en dette et en capital et c’est comme ca qu’on a réussi à avoir les fonds nécessaires à la construction de l’unité de production dans laquelle on est aujourd’hui. Et ca nous a permis de pouvoir acheter du packaging à l’étranger. Donc aujourd’hui, on est accompagné par Terranga Capital. Finalement, le fait d’être accompagné par un fond d’investissement nous a ouvert d’autres portes. Ca nous a permis de pouvoir obtenir un crédit auprès de la Société Générale de Banque du Sénégal (SGBS), ce qui était un peu compliqué quand on était seul. Finalement les institutions financières ont plus confiance parce qu’elles se rendent compte qu’il y a un autre partenaire qui a investi de l’argent dans l’entreprise, qui nous accompagne. Ca leur inspire confiance. Je trouve en tout cas plus facilement du crédit qu’auparavant.
Pour moi, c’était un passage obligé. Pourquoi ? Parce que trouver un crédit avec une banque était quasi impossible en tant que PME. A ma première année avant Terranga Capital, j’arrive, j’emprunte auprès de la SGBS des fonds pour pouvoir acheter des noix de cajou. Mais le temps de monter le dossier, de répondre à tout ce qu’il fallait, la saison des noix de cajou était fermée. Finalement, ils ont accepté de me prêter mais ils ne m’ont pas prêté tout ce que je voulais. Ils m’ont prêté en découvert et non en prêt.
Bref, ce n’était pas du tout intéressant pour moi. D’ailleurs je n’ai finalement pas pris ce découvert là. Et je me suis dit qu’en partant avec un partenaire comme Terranga Capital qui me soutient déjà financièrement, qui fait partie de la structure, c’était plus simple pour moi et je ne le regrette pas aujourd’hui. Parce qu’en plus de l’accompagnement financier, Terranga Capital apporte aussi son assistance technique. L’assistance technique est la chose la plus intéressante. Grace à elle, j’ai fait différents projets avec LYSA & CO. On est passé de SENAR LES DELICES LYSA à LYSA & CO depuis que Terranga Capital est rentré dans le capital de l’entreprise. On s’appelle LYSA & CO et on a gardé la marque SENAR LES DELICES LYSA. Donc, c’est LYSA & C0 qui porte la marque SENAR LES DELICES LYSA.
Aujourd’hui, j’ai pu faire toute une revue de la comptabilité depuis 2016. Donc c’est quelque chose que j’ai pu faire avec l’assistance technique de Terranga Capital. Ensuite, j’ai mis en place un outil de comptabilité analytique pour mieux connaitre mes coûts de revient et mes coûts intermédiaires pour mieux gérer ma marque.
Aujourd’hui, avec le Bureau de Mise à Niveau (BMN), on travaille avec eux. On a pu analyser avec eux justement tout ce que nous faisons pour pouvoir nous amener plus loin, avoir des marchés et nous développer.
L’assistance technique de Terranga Capital, c’est vraiment le coté le plus intéressant. Rien que pour ca, savoir qu’on a un Conseil d’Administration (CA) qui tombe dans trois mois et qu’il faut préparer, regarder les chiffres – il faut vraiment être proche de ses chiffres. Rien que ca, c’est un apport incommensurable. Parce que quand on est dans l’opérationnel, on court toujours, on ne s’arrête pas pour faire un peu le point et regarder là où on en est. C’est l’opérationnel qui nous tire vraiment. Et là quand on a un CA qu’on doit gérer, qu’on doit planifier tous les trois mois, on est obligé de s’arrêter, d’analyser les chiffres, de comprendre qu’on a une stratégie derrière et de pouvoir embarquer les comptes. On va dire que l’intérêt est vraiment double ; en dehors de l’intérêt financier, il y a cet intérêt d’être suivi, d’être entouré qui fait qu’on travaille mieux ainsi.
N’avez-vous pas l’impression par moment de ne pas avoir les coudées franches pour gérer votre business à votre guise avec un fond d’investissement présent dans l’entreprise?
Pas du tout. Mais vraiment pas du tout. D’abord parce que Terranga Capital détient moins de 40% des parts, ensuite Terranga Capital ne travaille pas au niveau opérationnel. Ce n’est pas son métier. Ils sont plutôt au niveau stratégique. C’est vrai qu’ils nous aident pour tout ce qui est assistance technique mais c’est à ma demande. Aujourd’hui je veux changer mon ERP, je fais une demande d’assistance technique auprès de Terranga Capital qui va m’aider à le faire. J’ai fait récemment une mission pour la partie commerciale avec un manager de transition qui est venu d’un Cabinet travailler avec nous pendant trois mois, pour nous aider à avancer dans ce domaine, mais à aucun moment, Terranga Capital n’est intervenu. C’est moi qui fais la demande. Je leur dit, voilà ce je veux faire, et on discute pour voir comment s’y prendre, et comment ils m’aident. En général, l’opérationnel est géré par moi-même. Les personnes de terranga Capital, vous ne les verrez jamais dans l’entreprise. On travaille beaucoup sur du reporting, sur les indicateurs ; ce qui m’aide beaucoup à être organisée. Ils ne sont pas du tout dans l’opérationnel et sincèrement, je ne sens pas du tout que je travaille avec eux au quotidien à part quand j’ai besoin de leurs conseils pour tel ou tel projet. C’est une question importante parce que beaucoup de gens ont peur quand on leur parle de fonds d’investissement de ne plus avoir la main. Mais en général, les fonds d’investissement, ils ne sont pas dans le quotidien. C’est le promoteur qui a la main libre. Par contre, ils sont au courant. Ils sont tenus informés des grandes décisions.
Par exemple, si je veux commencer l’export en cote d’ivoire, il faut qu’ils soient au courant. On en discute au CA. Ils donnent leurs avis. Il peut arriver que j’ai envie de faire quelque chose que eux ils trouvent un peu risqué. Ils ne vont pas me demander de ne pas faire. On va mieux travailler le projet pour m’aider à voir la faisabilité. C’est dans ce cadre là qu’ils interviennent.
Comment se porte la marque LYSA & Co aujourd’hui?
Aujourd’hui la marque se porte plutôt bien par la grâce de Dieu. On a déménagé, on a quitté l’usine maison de sacré cœur et on est aujourd’hui dans une usine qui respecte les normes internationales. On a complètement refondu notre modèle de transformation et c’est l’une des raisons pour lesquelles Terranga Capital nous a accompagnés. Une partie de ce qu’ils ont apportée devait servir à construire l’usine qui appartient à LYSA & Co et qui nous permet de travailler aujourd’hui en respectant les normes internationales et d’avoir une productivité plus importante que ce qu’on avait, de développer encore plus la marque et nos produits, de produire plus et de vendre plus.
Donc aujourd’hui, on doit pouvoir réfléchir sur l’export, ce que nous sommes en train de faire ; pouvoir trouver nos produits partout au niveau international. C’est important pour nous.
Au niveau sous régional, on commence à réfléchir à la Côte-d’Ivoire au Burkina et ensuite à exporter au-delà des frontières sous régionales, en Europe et aux USA. Et cela va être possible aujourd’hui grâce à cet outil de production que nous avons, qui est différent de celui que nous avions à la maison et qui respecte les normes internationales (certification).
On réfléchit à adopter les normes HCCP. Le prochain projet à partir du second semestre 2019, c’est de partir sur tout ce qui est normes HCCP. Pareillement, on va être assisté par Terranga Capital pour pouvoir supporter tous ces frais afférents qui ne sont pas des frais de 5000 FCFA. Donc on va avoir la certification qu’on aimerait avoir. Et d’ici l’année prochaine, on réfléchit à avoir une certification Bio pour la partie noix de cajou. Et tout ceci n’est possible que dans un environnement comme celui qu’on a aujourd’hui, l’usine qui permet de faire une marche en avant. On respecte la circulation des flux et derrière, pouvoir commencer à faire la traçabilité, la qualité par rapport à nos produits.
Aujourd’hui on emploie entre 30 et 32 personnes. Le nombre bouge en général. Quand j’arrivais en 2015 on était 9 personnes. On est passé à 30 aujourd’hui. Et il faut savoir que maintenant, on a une équipe administrative ce qui n’existait pas à l’époque. Pour ce qui est de l’exploitation, je suis entourée d’un responsable financier, j’ai aussi un responsable Marketing et commercial, un responsable logistique et achat. On a constitué cette équipe avec qui je travaille petit à petit alors qu’au début, j’avais toutes ces casquettes là en même temps. Aujourd’hui je suis responsable commercial, le lendemain je m’occupe de l’approvisionnement etc. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de me retrouver derrière mes produits avec mon mari, derrière le comptoir à vendre il y a de cela trois ans. J’ai fait ca pendant une année entière avec mon mari. On était à vendre des produits. Aujourd’hui, j’ai des hôtesses qui le font pour nous et j’ai mon responsable marketing et commercial qui s’occupe de ce domaine. Donc l’évolution n’est pas seulement au niveau des produits, mais aussi au niveau de l’organisation, de la partie RH pour pouvoir mieux travailler parce que seul, tout seul, on ne le fait pas forcement correctement et aussi on a du mal à faire beaucoup de choses en même temps. Aujourd’hui, je me consacre beaucoup au développement et à la partie export.
Quelles sont les difficultés auxquelles l’entreprise fait face maintenant ?
Les difficultés elles sont toujours là. D’ailleurs c’est ce qui nous aide à chercher à grandir, d’avoir des challenges et de chercher à les relever. On a par exemple l’approvisionnement qui reste un challenge. Ca reste un défi. Aujourd’hui on produit beaucoup plus qu’on ne produisait il y a trois ans. Ce qui fait qu’il faut s’approvisionner mieux. On a donc ce défi d’approvisionnement en matières premières. On a une équipe logistique qui travaille à trouver toute l’année des fournisseurs qui nous donnent des graines de qualité et qui nous permettent d’éviter toute rupture parce qu’on doit être livré tous les mois pour éviter des ruptures. Donc ca reste un des plus grands defis parce que là, on va travailler avec différents fournisseurs. Il faut tester l’amande qu’on achète pour s’assurer de la qualité et pouvoir la conserver. Ca c’est un défi qui reste pérenne.
Le financement reste également un défi. Terranga Capital a investi dans la société pour refondre l’outil de production, pour faire grandir l’entreprise, pour croître. Mais Terranga Capital ne finance pas nos besoins en fonds de roulement. Il y a toujours ce besoin en fond de roulement, plus pour prendre en charge l’approvisionnement en noix de cajou. J’ai besoin d’avoir la matière première toute l’année et pour l’avoir, il faut de la trésorerie. Donc je continue à recourir à des prêts. D’ailleurs, c’est ce que j’ai fait l’année dernière auprès de la SGBS pour pouvoir renforcer ma partie approvisionnement.
Donc le financement reste toujours d’actualité. Certains pensent que dés lors qu’on a un fond d’investissement à ses cotés, les soucis financiers sont terminés. Ce n’est pas du tout réel. Le fond d’investissement, il est là pour quelque chose de précis. Dans notre cas, c’est pour la construction de l’usine qu’il faut rembourser. Il faut travailler plus pour cela.
On a aussi toute cette problématique de packaging. Aujourd’hui, je commence à réfléchir à acheter en masse en chine par lot de 20 000, 30 000, 50 000 plutôt que d’acheter en petite quantité par lot de 500 à 1000. Le Packaging reste donc une problématique à un niveau plus élevé.
Sur quoi on peut vous attendre dans les mois à venir en termes de projets et de perspectives ?
`Les mois à venir on sera plus présent au niveau national. On est aujourd’hui présent au niveau de tous les supermarchés du Sénégal. On est présent dans les stations de service et on va continuer à développer notre présence nationale parce que je trouve que c’est hyper important pour nous, d’être présent au niveau national avant d’aller au niveau sous régional ou à l’international. Je pense que c’est très important de nous voir un peu plus.
On a un packaging qui correspond plus au pouvoir d’achat du plus grand nombre de sénégalais sur nos circuits de distribution qu’on a adoptés. Le packaging qu’on a aujourd’hui par exemple chez Auchan, c’est un packaging de 70 grammes. Avant, notre noix de cajou était vendu à 200 grammes, le minimum. Aujourd’hui, on vend 70 grammes, ca veut dire que n’importe quel sénégalais lamda peut sortir 1000 FCFA pour acheter des noix de cajou Lysa &Co de très bonne qualité qui soient des noix de cajou Lysa &Co alors qu’avant on ne faisait que des sachets de 200 grammes. Donc aujourd’hui, on essaie de vraiment toucher plus de personnes.
Vous allez nous attendre aussi au niveau sous régional. On est en train de peaufiner un projet pour être présent en Côte d’Ivoire. Je pense qu’avant la fin de l’été ou en tout cas, avant le début de l’année prochaine, nos produits seront présents à Abidjan. On travaille aussi à avoir nos produits dans la sous région. On se développe, on grandit, on est présent au niveau national et on cherche à être présent ailleurs. On a des produits qui sont sans cesse innovants. On a des noix de cajou sésame, on a du beurre de cajou. On va continuer de travailler et d’apporter du goût, de la bonne qualité de produits et des produits innovants.
Moi je suis persuadée qu’avec nos matières premières locales, on peut transformer nos produits et qu’on peut vendre à l’international.