PME et Grands groupes : soutenez-vous !
Alors que les grands groupes peuvent soutenir la trésorerie des PME, les PME peuvent être un facteur d’agilité et d’innovation face à la crise du Covid19 pour les grands groupes. À condition toutefois de se comprendre et de travailler sur un même plan d’exécution. (Par Isabelle Saladin, présidente de I&S Adviser)
Tout le monde s’accorde sur le fait que la relation entre PME et grands groupes est essentielle pour la vitalité de notre tissu économique. Avec la crise du Covid19, cette relation devient encore plus critique, sinon carrément vitale. Se sont d’ailleurs multipliés les appels pour encourager les grands groupes à honorer leurs paiements vis-à-vis de leurs partenaires PME.
Dès le 14 mars, le médiateur des entreprises s’est exprimé et a lancé un « appel aux grandes entreprises, aux grandes administrations à jouer la solidarité envers les petites ». De son côté, Pacte PME a annoncé le 24 mai se tenir « à la disposition du gouvernement et des administrations de l’État pour apporter son concours à toute initiative visant au maintien d’une orientation privilégiée de la commande privée et publique en direction des PME françaises et à un règlement non dégradé des achats des grands comptes dans leur direction ». Quant au Conseil National des Achats, il a incité ses 15 000 adhérents le 26 mars à « »fluidifier » les paiements en offrant aux fournisseurs la possibilité de facturations intermédiaires, tout en veillant à développer la dynamique de réception des travaux/prestations associés ».
Mais comment les dirigeants de TPE et PME vivent-ils la situation et qu’attendent-ils des grands groupes ?
Tout chef de petite ou moyenne entreprise a actuellement une urgence qui devance toutes les autres : préserver sa trésorerie pour tenir dans la durée. La 2e obsession du dirigeant de PME est le temps, un temps beaucoup plus resserré que celui des grands groupes. Un chef d’entreprise n’a pas le temps d’attendre, il va avoir besoin de ce cash très rapidement s’il ne veut pas mettre en péril son activité dans les prochains mois – du cash pour payer ses charges, ses impôts, ses salaires, et cela, même s’ils ont été réduits ou décalés grâce aux mesures gouvernementales.
Pour répondre à ces deux urgences, il va non seulement activer les dispositifs mis en place par le gouvernement, mais aussi chercher à s’appuyer sur ses clients les plus solides pour traverser la crise – et naturellement il va se tourner vers les grands groupes. Outre la caution qu’apporte ce type de client à une PME, il apporte une capacité financière qui garantit à la PME un maintien de son niveau de trésorerie. C’est pourquoi il est essentiel que les grands groupes honorent le plus rapidement les factures engagées.
Et le grand groupe ?
Néanmoins, pour discuter de manière constructive et efficace avec leurs partenaires grands groupes, il faut que ces mêmes chefs de petites et moyennes entreprises ne perdent pas de vue les modes de raisonnement de leurs interlocuteurs et les arbitrages qu’ils ont à gérer en ce moment.
Par exemple, dans les grands groupes, les décisions prises s’inscrivent dans le cadre d’équilibres financiers, actuariels et géopolitiques qu’ils vont chercher à préserver ou à restaurer tout en restant aligné avec la stratégie corporate. Leur horizon n’est pas seulement l’échelle nationale, mais aussi mondiale, avec des impacts des perturbations économiques internationales sur leurs projets de développement.
Ensuite, la crise a bouleversé leurs organisations qui sont bien plus « processées » que celles des PME. Les habitudes et procédures rodées doivent donc être ajustées pour pouvoir s’exécuter dans ce nouveau contexte. Or cela peut prendre un peu de (trop) temps.
Enfin, avec le chômage partiel, les arrêts maladie pour cause de coronavirus, le télétravail, etc., les interlocuteurs habituels des PME peuvent ne plus être disponibles, voire être remplacés. Il faut donc être particulièrement organisés et structurés pour rester efficace face aux changements potentiels.
S’aider pour préparer l’avenir ensemble
On le voit, les modes de raisonnement des uns et des autres diffèrent, mais face à une crise inédite comme celle de 2020, plus que jamais, il faut que les acteurs s’accordent et s’efforcent de comprendre les priorités et leviers de décision de leurs interlocuteurs. Le grand groupe peut sauver des PME en respectant ses délais de paiement quand les PME peuvent être des leviers d’innovation et apporter une agilité de réaction à un grand groupe.
C’est aussi pour cela qu’il faut toujours bien acter les objectifs respectifs de chaque partie et partager un plan d’exécution de la stratégie clair, précis et structuré qui assure sa croissance à la PME et satisfait les ambitions du grand groupe.
Une fois ces bases posées, alors ensemble PME et grands groupes pourront avancer et trouver les moyens de rebondir, même sur un marché fondamentalement incertain.
Source : Les Echos.fr