La résilience et la contribution du secteur privé étaient au coeur du premier format du rendez-vous annuel de la communauté des acteurs économiques privés impliqués ou souhaitant investir en Afrique. L’événement a été organisé en ligne digitale par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) en partenariat avec le journal l’opinion, pour réfléchir autour de la relance économique en Afrique, un continent confronté à un double choc, économique et sanitaire d’une ampleur inédite, mais qui aura fait preuve d’une résilience inattendue.
Les intervenants sont convaincus que « le rebond en Afrique viendra des entreprises ». Les crises offrent l’occasion non seulement de repenser la place de l’entreprise dans l’organisation économique du continent, mais aussi d’inventer de nouvelles chaînes de valeur. Ces thèmes étaient au coeur des échanges, le 18 mars, ainsi que les résultats des baromètres du CIAN sur le climat des affaires et les leaders d’opinion africains.
Dans son intervention liminaire, le président du Conseil français des investisseurs en Afrique, Alexandre Vilgrain, a commencé par cette phase ferme et affirmative : » Le rebond de l’Afrique ne viendra que des entreprises ». A condition que ces dernières bénéficient des financements et du soutien des Etats. Il a appelé à la fin de l’aide et que prennent place les financements. Pour lui, l’Afrique ne manque pas de financements, mais il faut la volonté des chefs d’Etat. » Nous allons faire un nouveau monde, avec de nouveaux paradigmes qui nécessitent plutôt des financements pour les entreprises et non des aides« , a souligné Alexandre Vilgrain. « Après une année 2020 si éprouvante, sur fond d’anxiété, de grande incertitude et d’absence de visibilité, les rares nouvelles encourageantes sont venues d’Afrique. Sur le plan sanitaire comme économique, les motifs d’espoir abondent. La situation qui prévaut actuellement peut se transformer en opportunité, nous devons persévérer, en continuant à faire confiance à la capacité de résilience de l’Afrique, tant de fois observée jusqu’alors« .
Face au coronavirus, l’Afrique s’est bien comportée
Le président la Fondation Mo Ibrahim, qui promeut la bonne gouvernance et le leadership de qualité sur l’Afrique, à travers son indice et un prix symbolique d’excellence aux chefs d’Etat africain, s’est félicité quant à la gestion de la crise sanitaire par l’Afrique, malgré l’absence de données fiables dues à un manque de statistiques fiables. Mais « les faits parlent d’eux-mêmes. Dans l’ensemble l’Afrique s’est bien comportée, à travers la mise en place de mesures barrières« , a-t-il déclaré. Il a déploré l’absence de budgets conséquents pour soutenir les populations et les entreprises africaines, alors que la France, toute seule avait bénéficé de 1000 milliards d’euros pour soutenir son économie, « et rien en Afrique« . Il a plaidé pour que les brevets soient versés dans le domaine public via l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour essaimer la production du vaccin partout. Il a déploré également « le nationalisme vaccinal » des pays occidentaux. « Or on ne peut pas être en sécurité si les autres pays ne le sont pas« , a rappelé Mo Ibrahim. En ce qui concerne la diplomatie vaccinale, il a vanté la forte capacité de l’Inde à produire des vaccins nécessaires pour l’Afrique. Ce qui est déjà le cas avec le dispositif Covax. Il est convaincu d’une troisième vague.
Concernant le retour de la croissance, Mo Ibrahim s’est montré pessimiste. Il invite la communauté internationale à agir dans l’intérêt général, notant un changement de « paradigmes ». Il incite les opérateurs économiques à mettre en place des instruments de mesure de gouvernance économique, détériorée ces deux dernières années au monde. Citant « l’affaiblissement des dirigeants internationaux dans les accords sur le climat, ou dans la criminalité organisée, espérant que la nouvelle administration américaine y mettra fin. Il a lancé un message aux chefs d’entreprise, les invitant à » travailler ensemble pour faire avancer le développement en Afrique, avoir une reprise verte, s’éloigner de la dépendance, développer un partenariat public-privé et une bonne gouvernance« .
Les résultats des baromètres sur le climat des affaires
La directrice générale du CIAN, Sandrine Sorieul a rendu publics les résultats de l’enquête annuelle sur l’environnement des affaires réalisée auprès des entreprises internationales présentes en Afrique. Et le président délégué du CIAN, Étienne Giros, a présenté les enseignements du 3e Baromètre Africaleads des leaders d’opinion africains, réalisé avec Immar.
La directrice générale du CIAN a présenté le résultat du baromètre 2020 sur les affaires en Afrique, dont un volet conjoncturel et un volet géographique, permettant d’avoir une photographie de l’environnement des entreprises en Afrique. Cette année, ce baromètre revêt une importance particulière, dans le contexte de crise sanitaire. Il témoigne toutefois de la résistance du continent africain face à la crise sanitaire et économique. Le CIAN a collecté 820 réponses dans 44 pays. Les entreprises ont perdu entre 20% et 30% de leurs chiffres d’affaires par rapport à 2019. En cause, la Covid-19. Mais les pays comme l’Afrique du Sud, l’un des pays les plus touchés, a été faiblement impacté. Trois points sont à retenir : Il y a eu moins d’achat de matières premières de la Chine, le secteur touristique est à l’arrêt, l’éducation et le commerce sont les deux secteurs touchés par la pandémie. Un secteur a repris ses activités, il s’agit du BTP. Géographiquement, la Covid-19 a surtout perturbé l’activité en Afrique du Nord et en Afrique centrale. Concernant les prévisions 2021, l’économie sera dynamique surtout en Egypte, les pays en panne sont la Centrafrique et la Tunisie. En termes d’environnement des affaires, les infrastructures continuent de se renforcer. En matière d’équipements, l’Afrique centrale est toujours en retard. Tout le continent a besoin d’électricité.
En terme de leaders d’opinion en Afrique, le baromètre souligne la prépondérance des médias français, notamment France 24; 39% des leaders d’opinion pensent que la situation en Afrique s’est améliorée,; 55 % sont optimistes sur l’avenir du continent. L’Afrique a surmonté la crise sanitaire et économique. En termes d’image, l’Afrique du Sud vient en tête, suivi du Maroc (2e) pour le Maghreb, le Ghana (3e) pour l’Afrique de l’Ouest, et le Rwanda (4e) pour l’Afrique de l’Est. Sur la perception des pays étrangers, les Africains placent les Etats-Unis en tête, suivis de l’Allemagne (2e), du Canada (3e), de la Grande-Bretagne (4e) et de la Chine (5e). La France décroche, mais conserve son influence politique, diplomatique, économique et culturelle. On peut noter une percée spectaculaire de la Turquie et des pays du golfe. Parmi les marques les plus influentes, sont citées en premier deux marques américaines (Coca Cola et Apple), en second deux africaines (Dangote et MTN).
Le secteur privé, moteur de la relance

Lors de la rencontre de haut niveau menée en distanciel sur le secteur privé considéré comme le moteur de la relance de l’économie africaine, les intervenants ont dressé un état des lieux, et présenté leur modèle de relance face à la pandémie de Covid-19.
Dans leur prise de parole, les participants ont tous insisté sur la résilience à la diversification, à l’importance et à la place essentielle du digital, à l’augmentation de la dématérialisation, à l’agilité, entre autres, pour une relance rapide.
La Secrétaire générale de la présidence du Togo, Sandra Ablamba Johnson, a indiqué que son pays compte mettre en place la digitalisation dans tous les services publics d’ici 2025. Le ministre du Commerce, de l’industrie et des PME du Gabon, Hugues Mbadinga a pour sa part insisté sur la transformation des matières premières et des aides diverses du gouvernement. Tandis que Elisabeth Medou Badang, directrice de Zone Orange, Afrique-Moyen-Orient a lancé un appel à l’accélération de l’inclusion du numérique dans l’éducation, la santé, et dans toutes les parties prenantes de l’intégration régionale, soulignant les besoins de prévisibilité, de stabilité et de flexibilité. Elle a appelé aussi à » briser les monopoles, à des Etats plus ambitieux, avec une vision à long terme, y compris dans les enjeux budgétaires« .
Si les situations peuvent être diverses, selon les pays et les secteurs, pour Richard Bielle, CEO du groupe CFAO, la base reste la sécurité, la stabilité de l’environnement. Ajoutant : « L’élite africaine doit relancer l’économie. Cela passe par la dette, mais à des coûts comparables à ceux en Europe (taux très faible). Il faut des mouvements de fonds. Même quand le challenge est compliqué, il faut le faire. Le développement de l’Afrique passe par son industrialisation « .
« L’Etat et le secteur privé doivent développer un dialogue permanent. L’Etat doit accorder des avantages à travers par exemple les Zones économiques spéciales (ZES), les zones agricoles, le guichet unique pour accompagner les entreprises. La confiance est essentielle dans un tel contexte », a relevé Hugues Mbadinga.
Redresser l’image de la France
« il faut redresser l’image de la France en Afrique » , a déclaré de son côté Sébastien Bazin, président du groupe hôtelier Accor, dans un focus sur l’après-crise. Il s’est félicité de la gestion efficace de la crise par l’Afrique, et ne compte pas « changer ses ambitions d’investir » sur le continent… « Le pari doit être tenté. La nouvelle zone de libre-échange continental est une opportunité », avec un fonds de 500 millions d’euros, il est prêt à s’y engager.
En la jeunesse africaine, il voit une opportunité et compte « changer le modèle, grâce au télétravail », affirmant que la clientèle va changer. « Il ne faut pas laisser l’Afrique à la Chine », a-t-il martelé. Aux Français qui vont en Afrique, Sébastien Bazin les invitent à respecter le continent. Et quant aux Africains qui veulent voyager, il les invite, avant de se rendre ailleurs, à effectuer un tourisme national, régional et continental.
Pour conclure le forum, le Président délégué du CIAN, Etienne Giros, a rappelé que les entreprises sont le facteur clé du développement de l’Afrique. La France, notamment les entreprises françaises ont une place et un rôle importants à jouer a-t-il affirmé avant de donner rendez-vous aux participants le 1er juillet à Paris, en présentiel cette fois-ci.
Par Noël Ndong
Source Agence D’information d’Afrique Centrale