Le Groupe Ecobank a officiellement lancé son Programme phare d’accompagnement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique de l’Ouest dénommé ELLEVER. En effet, après son lancement en Cote d’ivoire par Ecobank Côte d’Ivoire au mois de mars 2021, c’était le tour d’Ecobank Sénégal d’en faire autant au mois de septembre dernier. Un panel de haut niveau sur le financement alternatif a été organisé à cette occasion pour cerner les contraintes d’accès des femmes cheffes d’entreprises au financement bancaire et engager une réflexion approfondie sur des solutions alternatives.
Par Latyr Dieng

Le continent africain est celui qui compte le plus grand nombre de femmes propriétaires d’entreprises au monde. Elles étaient propriétaires de 27 % des entreprises en Afrique en 2019. Mais en même temps, l’entrepreneuriat féminin africain a le plus souffert des mesures de restriction prises par les Etats pour lutter contre la Pandémie du Covid 19 et continue à faire face à des contraintes persistantes d’accès aux facteurs de production (l’accès au capital, à la terre, au foncier aménagé, à l’énergie propre, aux équipements, l’accès à la formation et aux technologies), sans oublier l’accès aux marchés et les contraintes d’ordre social et culturel.
Parmi ces nombreuses contraintes identifiées sur le continent, l’accès difficile des femmes entrepreneures aux financements bancaires, dû en grande partie au caractère informel de la plupart des entreprises gérées par les femmes, est sans doute celle qui freine le plus le développement de l’entrepreneuriat féminin en Afrique.
Depuis quelques années, de nombreuses initiatives sont prises ça et là sur le continent pour adresser cette contrainte devenue structurelle tant au niveau des états qu’au niveau africain voire international. Disons le clairement, l’entreprenariat féminin bénéficie d’une attention particulière. C’est ainsi que lors du Sommet du G7 tenu en France au mois d’Août 2020 à Biarritz, l’initiative phare de l’Union Africaine de financement des femmes entrepreneures plus connue sous le nom de Programme AFAWA (Actions positives pour le financement en faveur des femmes en Afrique) et exécutée par la BAD, a obtenu un soutien des chefs d’Etat et de gouvernements du G7 de 251 millions USD, soit 148 milliards de FCFA sous forme de prêts en faveur de l’entreprenariat féminin. Cette enveloppe permettra de lever jusqu’à 5 milliards USD au profit des femmes entrepreneures selon les autorités de la BAD.
C’est dans le même sillage que s’inscrit le Programme ELLEVER du Groupe Ecobank. Le Programme ELLEVER est un Programme spécialement conçu pour financer et soutenir les femmes eny= entrepreneures d’Afrique de l’ouest. Il cible exclusivement les femmes et vise à stimuler les PME, PMI, TPME, TPMI et Start Up dirigées par des femmes ou centrées sur les femmes. Le programme permet a ses bénéficiaires d’accéder a un certain nombre de services financiers et non financiers. Ces services d’accompagnement comprennent des solutions financières sur mesure comme des prêts à des taux préférentiels, une assistance en gestion de trésorerie, et des services à forte valeur ajoutée comme la formation en leadership, le mentorat et des opportunités de réseautage.
L’accès au financement bancaire : un casse-tête pour les femmes entrepreneures
« Seules 3,5 % des femmes arrivent à avoir accès aux crédits bancaires », a relevé pour s’en désoler la modératrice du panel, Thiaba Camara SY, Présidente de WIC Capital et ancienne du Cabinet international Deloitte,
Mme Kardiata BA la représentante de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui dressait le bilan de la mise en œuvre du dispositif de financement des PME-PMI de la BCEAO entre 2018 année de sa mise en place dans les états membres de l’UEMOA et maintenant a détaillé :
« En 2018, la situation de référence sur le financement des PME et PMI faisait état de 250 milliards F CFA. Chemin faisant, il a fallu trouver les contraintes à travers une étude menée par la Banque centrale (BCEAO), pour définir les difficultés que rencontraient les PME face à l’accès au crédit. Ce que nous avions constaté, c’est que la première contrainte restait l’absence d’informations financières : Qui sont derrière les programmes ? Est-ce qu’elles souhaitent se former ? Toute la difficulté était à ce niveau. Nous avons eu à travailler avec le ministère pour dérouler les axes du dispositif de soutien de financement aux PME, PMI » ,
Entre 2018 et juin 2021, les financements accordés aux Petites et moyennes entreprises (PME) et Petites et moyennes industries (PMI), sont passés de 250 à 600 milliards, d’après les chiffres fournis par la représentante de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Kardiata BA qui participait au panel sur le financement alternatif.
Parmi les barrières à abattre, l’économiste Ousmane Biram Sané, autre panéliste, a directement pointé l’informel : « En effet, la plupart des entreprises, que créent les femmes, sont dans le secteur informel. Quelles sont les solutions à cela ? Je pense qu’il faudrait les accompagner de manière à ce qu’elles puissent créer, gérer et développer une entreprise mais en se conformant aux normes.
Parce qu’il faut aussi qu’on se le dise, souvent les gens pensent que quand on a un registre de commerce, on est sorti de l’informel. Je ne partage pas ce point de vue. Je pense que pour sortir du secteur informel et être dans le formel, il faudrait respecter les conformités. A cet égard, pour accéder au financement, il y a deux conformités qui me paraissent fondamentales : la conformité fiscale et la conformité bancaire. L’une est là pour l’intérêt général, et la banque aussi travaille avec nous ».
D’où son plaidoyer pour « accompagner les femmes à avoir des entreprises qui épousent toutes les normes formelles. »
Selon l’expert, « il est (également) important, aujourd’hui, d’élever la capacité de négociations des femmes. La négociation commence déjà à la maison pour l’épouse. Par exemple : j’ai vu à Ziguinchor, une association de 2000 femmes qui forme ses membres en pouvoir de négociations. Parce qu’elles se sont rendu compte que leurs membres n’arrivaient pas à aller vers des activités économiques parce que le mari refusait. Elles ont développé des techniques de négociations jusqu’à obtenir progressivement du mari qu’il libère leurs épouses pour qu’elles aillent faire des activités socio-économiques. »
Christine Ndiaye Sène de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a insisté, elle, sur « l’éducation financière : savoir comment gérer son argent, pour pouvoir gérer et les besoins de la famille et avoir des femmes beaucoup plus performantes ».
La sous-traitance est aussi un levier à actionner selon les panelistes.
Le lancement de ce Programme spécial par Ecobank, créé pour les entreprises axées sur les femmes à n’en pas douter, vient à point nommée. Elle constitue une contribution significative à la résolution de ce qu’il convient d’appeler un casse-tête pour les femmes entrepreneures ; l’accès au financement bancaire. Par ailleurs, l’initiative traduit un engagement du Groupe Ecobank dans la promotion de l’autonomisation économique et financière des femmes.